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août 2009.
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Les fontaines carougeoises de Blavignac
À Carouge, aux portes de Genève, quatre fontaines, classées (...)
À Carouge, aux portes de Genève, quatre fontaines, classées monuments historiques, fruits de l’imagination fantaisiste d’un architecte du 19e siècle, Jean-Daniel Blavignac.
Infos complémentaires
Un peu d’histoire
Né à Genève en 1817, d’une famille d’origine nîmoise, Jean-Daniel Blavignac, autodidacte aux hobbies plutôt hétéroclites, rêvait, comme bien des Carougeois de l’époque, d’une ville qui aurait pu rivaliser avec sa célèbre grande voisine. Mais la Carouge des années 1860 accusait un gros déficit en eau potable alors que certains Genevois connaissaient déjà le confort de l’eau aux étages de leurs maisons. Quand enfin la cité sarde installe une machine hydraulique et pose ses premiers tuyaux de plomb, Blavignac imagine quelques fontaines monumentales, toujours visibles sur quatre des places de la ville.
« Éclectique par goût et par nature, écrit l’historienne Leïla el-Wakil (*), Blavignac réussit un surprenant pot-pourri stylistique. Maniant avec la même fantaisie et le même humour l’expression classique ou gothique, il fait preuve de liberté dans l’invention ».
La plus monumentale de ses fontaines (mais sans comparaison avec celle des Quatre Fleuves de la Piazza Navona romaine), il va la dédier à l’Arve, rivière venue du pied du Mont-Blanc et qui borde Carouge. Sur la Place du Marché, entre deux vasques superposées, un vieux dieu chevelu, assis, tient trois urnes symbolisant les sources du cours d’eau local. Il tient sa barbe par la main dans une attitude dont on a peine à comprendre l’embarras (pour signifier peut-être, comme le suggère plus loin Leïla el-Wakil, que l’art de la fontaine ne serait pour l’architecte que « prétexte à s’amuser »). Sous la grande vasque, quatre cygnes de bronze, adossés à la colonne centrale et bec grand ouvert pour laisser couler l’eau, font penser à quelque lointaine gargouille. Quant au grand bassin octogonal, il est tellement haut qu’on doit presque en deviner le contenu.
Autre lieu, autre symbolique. Non loin de là, Place du Temple, Blavignac fait profession de foi gothique. Lui qui s’était converti au catholicisme avait en horreur le temple protestant néoclassique de Carouge et ses colonnes qu’il jugeait quasiment païennes. Juste en face, il a donc conçu un monument dont l’aiguille gothique renvoie à des images de grandes cathédrales. Sur son bassin oblong, s’appuyant dos à dos contre le socle du pilier central qui supporte quatre colonnettes, non plus des cygnes, mais deux chimères qui renvoient à des ambiances elles aussi médiévales.
La première des deux autres fontaines, moins séduisantes et de moindre envergure, est à chercher à l’arrière du temple, Rue Jacques-Dalphin. Mais ce n’est pas là son emplacement original : jusqu’en 1963, elle se trouvait Place d’Arve. Relativement sobre, sa colonne centrale s’orne d’une guirlande qui s’enroule autour d’elle en spirale et son sommet porte une sorte de cruche d’abondance. L’eau se déverse dans son bassin rectangulaire par deux mascarons à tête de lion.
La fontaine de la Rue Ancienne, non loin du Rondeau de Carouge, présente quant à elle une simple colonne torse dont le chapiteau supporte une boule. Son bassin oblong reçoit son eau de deux cygnes de bronze accolés au piédestal de la colonne. (bw)
Place de l’Octroi, une fontaine moderne rappelle le découpage de la ville de Carouge en îlots réguliers
La ville sarde
Carouge tire son nom du latin ‘quadrivium’, carrefour, attestant de l’occupation du site par les Romains. Mais la ville elle-même est une création beaucoup plus récente puisqu’elle a été créée par les Rois de Sardaigne (d’où son qualificatif de ‘cité sarde’) vers la fin du 18e siècle pour, en quelque sorte, concurrencer Genève.
En 1754, le Traité de Turin avait mis fin à des décennies de disputes autour des terres bordant l’Arve et du coup Carouge devint rapidement prospère, devenant même capitale de province sarde, et même ville royale. Non seulement ses promoteurs la conçurent comme un véritable espace urbain, avec ses axes de circulation et son découpage régulier de quartiers. Mais de par leur politique d’ouverture, ils en firent une ville accueillante, sans préjuger de l’origine ni de la religion de ses immigrants.
Carouge, rattachée quelque temps à la France révolutionnaire, intégrera le canton de Genève et la Suisse en 1816, lors de la signature d’un nouveau traité de Turin.
Jean-Daniel Blavignac
Pour la petite histoire, il faut savoir que Jean-Daniel Blavignac était semble-t-il un personnage assez curieux. Ses contemporains l’ont décrit comme solitaire et asocial, susceptible, voire paranoïaque. À tel point que la réalisation définitive de ses quatre fontaines, qui passeront néanmoins à la postérité, sera finalement confiée à un ‘rival’, ex-associé du nom de Dentaud-Jardin.
La construction des fontaines, achevée en juin 1868, fut le fait d’un entrepreneur genevois, Jean-François Charrière. Les pièces de bronze portent la signature d’un certain Thiébaud, fondeur d’art parisien.
Sources
* Leïla el-Wakil, « Les grandes eaux de Carouge ou petite histoire des fontaines de Blavignac (1867-1868) », dans : « Des hommes, une ville. Carouge au XIXème siècle », pages 125-159, Éditions La Ligature, Carouge, 1986.
– Cette description des fontaines de Carouge doit aussi beaucoup à Mme Anna Valenti de Riedmatten qui nous les a fait découvrir dans le cadre d’une visite guidée organisée par la Ville de Carouge.
Autres fontaines bien visibles à Carouge, celles du quartier moderne des Tours
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« Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")