Existe-t-il des paysages dont on puisse dire qu’ils sont "parfaits" ? c’est-à-dire qu’ils réalisent un absolu comblant du rêve, au point qu’ils ne laissent "rien à désirer" ? Pour Stendhal - c’est la réponse que donne Philippe Berthier, professeur à la Sorbonne Nouvelle, "les lacs italiens, et tout particulièrement le lac de Côme (photo), ont été cette utopie miraculeusement incarnée, un lieu improbable et pourtant vrai, où le regard et le cœur s’épanouissent dans un espace idéal, répondant à toutes les attentes de l’être."
Pourtant, explique le spécialiste, Stendhal ne dit que très peu de choses sur les lacs, il ne les décrit pas, car la description l’assomme, le glace : "il préfère suggérer, confier l’essentiel à des épithètes passe-partout (sublime, divin, délicieux). Il recherche volontairement le flou pour ne pas épuiser l’émotion."
Le professeur Berthier insiste également sur le fait que Stendhal ne se contente pas de la nature pure et qu’il a besoin de n’être pas éloigné des lieux de culture (Milan n’est pas loin du Lac de Côme). Il tente le mariage harmonieux "entre une certaine sauvagerie et la civilisation délicieuse des villes".
S’il accorde une grande place à la nature libre et désintéressée, à sa vigueur originelle intacte et littéralement pittoresque, Stendhal fait de même avec les clochers, les ermitages et surtout les villas lacustres : "y vivre est un acte esthétique, on peut y goûter le privilège de l’univers tel qu’il devrait être".
Mais il arrive aussi que le lac soit désenchanté car il n’existe pas par lui-même : c’est "une promesse de bonheur". Et il en va des lacs comme de tous les paysages de Stendhal : "ils ne sont séduisants que lorsqu’on est en état d’amour".
Photo : Lac de Côme (larioonline.it)