Remarque préliminaire qui a son importance : l’analyse menée par le chercheur canadien ne porte pas sur la situation planétaire, mais sur le monde occidental, et plus particulièrement nord-américain. Cela dit, il n’y a pas de risque zéro, constate-t-il, d’autant qu’il est difficile de bien définir le niveau de sécurité qu’il conviendrait d’atteindre.
D’un côté, les traitements d’eau, la mise en place de collecteurs des eaux usées et une amélioration significative de l’hygiène ont permis de contrôler les grandes épidémies. Certes, on recense encore des éclosions de maladies contagieuses, mais on les attribue généralement à des installations désuètes, à des pollutions des eaux de surface ou des nappes phréatiques ou … à une meilleure capacité médicale de surveillance et de détection des épidémies.
La partie invisible de l’iceberg
Mais, d’un autre côté, selon Pierre Payment qui se réfère à quelques études scientifiques, "il reste encore un niveau endémique important de maladies attribuables à l’eau du robinet" :
- au Canada, deux enquêtes épidémiologiques ont suggéré que plus de 30% des gastro-entérites seraient attribuables à des eaux du robinet respectant pourtant toutes les normes de qualité
- aux États-Unis, des chercheurs ont analysé des données d’hospitalisation en fonction de la qualité de l’eau distribuée et leurs résultats suggèrent une corrélation entre ces hospitalisations et une augmentation de la turbidité de l’eau
- en France, des chercheurs ont montré un lien entre la vente de médicaments anti-diarrhéiques et l’augmentation de la turbidité de l’eau ou une défaillance de la chloration.
Pour le Dr Payment, il découle de ces résultats que l’eau du robinet est encore une source importante de risque : "Dans certains cas, l’eau utilisée pour faire de l’eau potable est trop contaminée et la moindre défaillance dans le traitement se traduit par des infections. Dans d’autres cas, une eau d’excellente qualité est introduite dans un réseau de distribution qui est mal protégé : l’intrusion de micro-organismes pathogènes dégrade rapidement cette eau avec des conséquences parfois désastreuses."
De l’eau, oui, mais à quel prix ?
Ne resterait alors, comme " alternative sécuritaire à l’eau du robinet", qu’à recourir aux eaux embouteillées, mais à des coûts nettement plus élevés. D’où cette autre question, en forme de conclusion sans réponse, posée par Pierre Payment : "Est-ce que le niveau de risque associé à la consommation d’eau du robinet est suffisamment élevé pour justifier de tels coûts ?" On aura compris que poser ainsi le problème renvoie chacun à ses propres choix dans une société de consommation. (bw)
Dr Pierre Payment
Institut Armand Frappier, INRS, Laval, Québec
"Eau du robinet : études épidémiologiques de ses effets sur la santé"