Robert Hainard a passé sa vie dans le canton de Genève, plus exactement à Confignon et à Bernex. Nous pourrions même aller jusqu’à dire « au bord du Rhône ». Et pas de n’importe quel Rhône ! C’était l’époque où le Rhône suivait encore le cours qu’il s’était tracé lui-même.
Il fût en effet une époque où le Haut-Rhône, entre Genève et Lyon, était un fleuve sauvage avec ses humeurs, sortant de son lit, modifiant son cours comme il l’entendait. Ce fleuve-là n’existe plus, l’homme avec ses barrages l’a dompté par le ciment.
Le Rhône a bercé, enchanté, émerveillé l’enfance de Hainard comme la jeunesse des villages voisins, étendue au soleil, s’éclaboussant à contre-jour dans l’eau éblouissante. Sauter sur son vélo le menait par la route et les chemins entre les haies, et forcément vers le fleuve. Son « appel du Rhône ».
Ses îles et ses méandres, ses tourbillons et ses oiseaux, ses falaises et ses pierres roulées, les bruits de son courant, l’ont éveillé aux beautés de la nature. Cette sensibilité, cet amour qu’il porte à la nature, lui ont certainement donné les moyens de la peindre.
Chasseur d’images
Posant son vélo dans un coin, le carnet de croquis et le crayon dans son sac à dos, Robert Hainard sillonne les chemins sans vraiment savoir où il va, simplement au gré des traces, tel un braconnier, ou un chasseur, mais « chasseur d’images » uniquement. De cette portion du Rhône, il connaît tous les recoins, tous les terriers, tous les sentiers. Sachant le fleuve perdu, il ne cessera pendant des années de le peindre. Et c’est à travers ses oeuvres que l’on redécouvre ce milieu naturel qui fut la plus grande source de son inspiration artistique et qui faisait vraiment partie de son univers.
Génie mystérieux
Mais il n’y avait pas que le fleuve à lui tenir à coeur : « La loutre ! c’était pour moi bien avant que je l’aie vue, le Génie du Rhône, mystérieux et insaisissable ».
Avant de voir sa première loutre - une nuit de pleine lune d’octobre 1941 - il avait dû guetter l’animal pendant trente nuits, réparties sur deux années car il ne guettait que lorsque sa « maîtresse » la lune l’attirait... Encore et toujours l’appel du Rhône !... Mais la loutre n’était de loin pas toujours au rendez-vous !
Ces trente nuits n’auront pourtant pas été infructueuses, puisqu’en 1952 Robert Hainard terminera une suite de 39 gravures tirées de ses croquis. Une série intégralement reproduite en fac-similé dans un grand et beau livre : « Les nuits d’hivers au bord du Rhône ». Peut-être l’une des plus belles œuvres de sa vie.
Michèle Martin