C’est la dose qui fait le poison, dit un vieil adage. Cela vaut aussi pour l’arsenic présent dans le sol naturellement et en petites quantités (en moyenne 2 milligrammes par kilo) mais réparti de façon très variable d’une région à une autre. À très petite dose, c’est un oligo-élément indispensable à la santé. Mais consommée régulièrement au-delà d’un certain seuil de tolérance, c’est une substance qui peut se révéler toxique et dangereuse.
Il y a quelques années, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déterminé une valeur guide pour l’arsenic dans l’eau de boisson, à savoir : 10 microgrammes par litre (10 μg/l). Jusqu’en 2014, la Suisse estimait que la limite de 50 μg/l constituait une valeur de protection suffisante, mais elle s’est alors ralliée à la recommandation de l’OMS et a donné aux distributeurs d’eau potable un délai de cinq ans pour se conformer à la nouvelle réglementation [1]. Depuis le 1er janvier 2019, une eau de boisson dont la teneur en arsenic dépasse les 10 microgrammes par litre doit donc être considérée comme impropre à la consommation.
En Suisse, trois régions particulièrement touchées
Dans certaines parties du monde, notamment en Chine, au Bangladesh et au Pakistan [2], les contaminations de l’eau par l’arsenic à des taux très élevés (pouvant dépasser plus de 100 fois les valeurs autorisées) concernent des millions de personnes et engendrent des situations dramatiques.
C’est lorsque de l’eau, en profondeur ou en surface, érode des roches ou des gisements métallifères contenant de l’arsenic que celui-ci est libéré dans l’environnement, s’accumule dans les sols et les sédiments et rejoint éventuellement nappes souterraines, sources et cours d’eau. En Suisse, trois régions présentent des teneurs en arsenic plus élevées que la normale : le Nord-Est (en particulier ses sources thermales), l’Arc jurassien et surtout les Alpes avec trois cantons particulièrement concernés (Tessin, Grisons et Valais). [3]
En 2014 et 2015, le Valais a mené une analyse systématique de la quantité d’arsenic possiblement présent dans les eaux des réseaux d’eau potable. Cet examen a révélé qu’une vingtaine des quelque 1000 réseaux du canton, répartis sur une quinzaine de communes, affichaient un taux supérieur à la norme. En décembre 2018, peu avant l’échéance du délai prévu par la législation, quatre d’entre elles situées dans le Bas-Valais - Collonges, Finhaut, Salvan et Vernayaz - se sont concertées en vue d’informer leurs populations respectives sur les actions entreprises pour mettre en conformité leurs réseaux de distribution et sur leurs conséquences dans la vie quotidienne immédiate [4].
Problème commun, solutions locales
Les remèdes à portée de main des communes ne sont pas très nombreux. On peut imaginer, entre autres,
– la recherche de nouvelles sources ou l’exploitation de sources connues dont on sait qu’elles ont une teneur en arsenic conforme à la nouvelle norme ;
– le mélange des eaux des sources aux teneurs trop élevées avec des eaux de sources conformes pour abaisser le taux d’arsenic ;
– l’achat d’eau potable à l’une ou l’autre commune voisine ;
– le recours à des installations techniques (onéreuses) de traitement d’eau.
Non seulement l’étude de ces diverses variantes, de leur éventuelle mise en œuvre, de leur coût et de leur financement réclame du temps et des compétences, mais il est aussi de la responsabilité de chaque commune de trouver la solution la plus adaptée à sa situation particulière.
Finhaut et Salvan ont ainsi mandaté la Société de turbinage de la vallée du Trient pour élaborer des solutions techniques régionales (la retenue du barrage d’Emosson s’inscrit dans le territoire des deux communes) qui seront mises en service progressivement mais sans doute pas avant plusieurs mois.
Entre temps - tout en rappelant que l’eau du réseau n’est pas conseillée comme boisson ou pour la préparation d’aliments, mais qu’elle peut être utilisée pour les tâches domestiques habituelles - les deux municipalités continueront de distribuer l’eau au robinet comme elles le faisaient jusqu’à présent. Leurs habitants, s’ils le souhaitent, pourront obtenir gratuitement des bouteilles d’eau minérale pour leur consommation. [5]
Collonges est sur le point de finaliser un projet d’approvisionnement durable en eau potable par la commune voisine de Dorénaz (les travaux de raccordement devraient être réalisés dans les tout prochains mois). D’ici là, les bâtiments publics seront là aussi équipés de fontaines à eau où les habitants qui le désirent pourront s’approvisionner à raison de 2 litres par jour et par personne.
Quant à la commune de Vernayaz, elle a fait savoir la veille de Noël qu’environ deux tiers de son eau potable provenaient désormais, par interconnexion, des mêmes sources que celles qui alimentent la ville voisine de Martigny et qui sont d’une excellente qualité. À l’exception d’un hameau, l’eau du robinet peut donc être consommée sans réserve sur le territoire communal et les mesures transitoires de précaution qui avaient été prises ont été abrogées. (bw)