Pour faire face à la présence croissante de micropolluants de toutes sortes dans les eaux usées, la Suisse est en train de mettre en place une stratégie nationale en matière d’épuration. Elle demande notamment aux collectivités d’adopter des mesures supplémentaires de traitement pour réduire sensiblement les teneurs de ces substances indésirables. Mais cela prendra du temps et, pour le moment, il faut bien admettre - ce que fait l’émission ABE - qu’"aujourd’hui aucune station d’épuration n’est capable de retenir les micropolluants".
Pour en savoir un peu plus sur la qualité de l’eau qui coule dans les robinets de Suisse romande, ABE a mené une nouvelle enquête (elle en avait déjà fait une en 2008 qui avait conclu à un parfait respect des normes légales en matière d’eau potable). Elle a fait prélever des échantillons d’eau dans 17 villes en respectant les protocoles scientifiques édictés par les services de la Confédération. Ces échantillons ont ensuite été transmis à un laboratoire disposant de la technologie indispensable à la détection de micropolluants (la recherche a porté sur une soixantaine de substances différentes d’origine médicamenteuse et phytosanitaire).
Les résultats de ces tests révèlent tout d’abord que 6 des 17 eaux analysées ne contenaient aucune trace de l’une ou l’autre des substances recherchées. Pour les autres, et à des degrés divers, le laboratoire a mis en évidence des traces d’atrazine déséthyl (herbicide interdit en Suisse), de benzotriazole (antirouille), de paracétamol (antidouleur léger, mais classé parmi les perturbateurs endocriniens), de metformine (médicament antidiabétique), de différents herbicides, de fertilisant, et de carbamazépine (médicament contre l’épilepsie).
"Il n’y a aucune raison sanitaire
de ne pas boire de l’eau du robinet"
Ces concentrations de micropolluants dans l’eau du robinet constituent-elles un vrai risque pour notre santé ? Patrick Edder, chimiste cantonal à Genève et présent sur le plateau de l’émission ABE, se veut rassurant : "Les teneurs qu’on a là sont très faibles. On ne peut faire aucun lien entre ces valeurs-là et les probabilités de cancer du sein. Il faut aussi rappeler que la qualité de nos eaux en Suisse est très bonne (…) Entre une qualité de la ressource qui est très bonne et des traitements de l’eau potable qui sont très performants, je crois que les gens peuvent boire de l’eau du robinet sans souci."
ABE a également demandé au laboratoire lausannois d’analyser des eaux minérales. Aucun micropolluant n’y a été détecté. Est-ce à dire qu’il vaut mieux boire de l’eau en bouteilles que de l’eau du robinet ? "Il n’y a aucune raison sanitaire de ne pas boire de l’eau du robinet", estime Patrick Edder, qui se dit cependant surpris par le résultat de cette analyse d’eaux en bouteilles car, il y a quelques années, des analyses y avaient révélé des traces d’herbicides.
De plus, avec les eaux en bouteilles apparaissent d’autres types de problèmes : "l’eau n’est pas un produit stérile. À partir du moment où vous avez ouvert votre bouteille, vous pouvez avoir des bactéries qui prolifèrent. Vous ne pouvez donc pas la conserver trop longtemps, ni au chaud d’ailleurs. Et si on avait fait des analyses de plastifiants, on aurait peut-être retrouvé ici ou là quelques nanogrammes de phtalates [ndlr.:additifs destinés a assouplir les plastiques et soupçonnés de dérégler le système endocrinien] ou d’autres types de produits".
– Les émissions "À Bon Entendeur" du 30 octobre 2012 et du 25 novembre 2008
– Les résultats des tests ABE