Les divinités des eaux sont les gardiennes des zones humides et de leurs riches diversités biologiques. Azaka, patron tutélaire du couvent, est vénéré comme le chef suprême - baba hunlèton - de toutes les divinités du panthéon vaudou de Savalou. Sans doute parce que l’eau potable est source de vie, et que cette eau potable vient des eaux de surface.
Le crapaud, respectueusement appelé tohè (oiseau d’eau) sert d’emblème à leurs fidèles. Animal sacré, il symbolise la fécondité, l’abondance et la présence permanente de l’eau. Il ne doit faire l’objet d’aucune maltraitance, surtout pas en présence des adeptes des tovudu auprès de qui, le cas échéant, le contrevenant doit alors s’acquitter d’une forte amende.
Pour les écologistes des temps modernes, le crapaud est le bio-indicateur par excellence d’un environnement propre, diversifié et biologiquement équilibré. Il montre une grande capacité d’adaptation à son milieu. Les tovudusi, adeptes de ce culte, font dès lors figure d’écocitoyens avant l’heure, affichant pour principe, entre autres, le strict respect de toute vie, animale, végétale ou humaine. Pour eux, offrir gratuitement de l’eau de boisson à quiconque en demande est un geste sacré et il n’est permis sous aucun prétexte de souiller les eaux destinées à la boisson.
Ces principes, jadis bien observés par tous et grâce auxquels rivières, lacs et retenues d’eau sont maintenus propres, sont aujourd’hui bafoués : pression démographique, défrichement des terres et urbanisation anarchique entraînent le déboisement massif des flancs de collines et nombre de pollutions dues aux pratiques agricoles et urbaines perturbent l’environnement. Les impacts socio-économiques et culturels ne se sont pas faits attendre : le crapaud indicateur de qualité se sent de plus en plus mal dans sa peau et se fait rare dans le paysage ambiant, tandis qu’un peu partout s’installe progressivement la précarité, voire la pénurie de l’eau.
L’accès à l’eau potable, reconnu depuis peu comme un droit humain - ce qui va bien dans le sens et la volonté des divinités des eaux et de leurs adeptes pour lesquels cette ressource n’est pas une denrée à vendre - devient de plus en plus problématique.
Une autre contribution des divinités des eaux et de leurs adeptes à la préservation et à la sauvegarde des eaux de surface et de leur qualité est plutôt d’ordre culturel et identitaire. Les descendants des adeptes des divinités des eaux, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin, reçoivent en effet à leur naissance des prénoms qui sont de véritables condensés de messages pour la protection et la sauvegarde des eaux de surface en particulier. Exemple : Tognon signifie littéralement que les eaux de surface sont utiles et vitales.
Il faudrait décrypter tous les prénoms - tohoué, tosa, tosu, etc. - et on y trouverait sans doute des messages plus forts à faire passer dans l’opinion lors des journées mondiales de l’eau. Peut-être que les eaux de surface s’en porteraient mieux et, par ricochet, les hommes aussi !
Texte et photos :
Bernard Capo-Chichi,
Porto-Novo (Bénin)