LES “AUALS” DU VAL MÜSTAIR
Dans le Val Müstair, un territoire de quelque 200 km2 intégré depuis l’été 2010 dans le Parc national suisse, les auals ont été utilisés pendant des siècles pour garantir de bonnes récoltes. L’eau, amenée vers les prairies parfois sur de longues distances, était captée dans la principale rivière de la vallée, le Rom (petit affluent du bassin de l’Adige), ou alors dans de petits cours d’eaux adjacents.
Les auals servaient à l’arrosage des prés, certes, mais aussi au drainage des terres, à la production d’électricité dans des fermes isolées ou encore à la transformation du lin cultivé dans la vallée. Ils jouaient également un grand rôle de protection écologique dans les forêts et sur les pentes sèches. Dans les années 1970, lorsque les agriculteurs ont commencé à pratiquer l’arrosage par aspersion, les petits canaux ont rapidement perdu de leur importance et n’ont plus été entretenus.
Aujourd’hui, les auals, comme les bisses, font le bonheur des amateurs de randonnée qui empruntent leurs berges. Et qui, parfois, sans même s’en rendre compte, parcourent des sentiers qui ont été aménagés directement sur d’anciennes canalisations asséchées. Qu’ils n’aient plus d’eau ou qu’ils soient encore utilisés pour le drainage, les auals réclament toujours de l’entretien. Il est arrivé plusieurs fois, dans le passé, que l’eau s’accumule dans ces petits fossés et provoque des glissements de terrain. Il faut donc, chaque printemps, les curer soigneusement. Ce qui entraîne des coûts, et des questions, comme celle de savoir s’il ne serait pas opportun d’inviter les randonneurs à s’acquitter eux aussi d’une participation aux frais de leur maintenance. Après tout, changer les usages des auals implique une réflexion sur la façon d’en partager les responsabilités.
Texte (traduit et adapté) et photos :
Jörg Clavadetscher,
forestier dans le Val Müstair
– Site officiel du Val Müstair
LES “RUS” DE LA VALLÉE D’AOSTE
Dès le Moyen-Âge, le vaste et complexe système d’irrigation en Vallée d’Aoste a joué un rôle primordial dans l’économie rurale et le développement de la population confrontée aux difficultés de la vie en milieu montagnard. Dans une économie de subsistance de type fermé et autosuffisant, le rôle de tous les membres de la famille était fort important. Ceux-ci étaient obligés de tirer de la terre les ressources pour survivre, non seulement pour eux, mais aussi pour la classe dominante. À l’époque du Duché d’Aoste, les seigneurs locaux octroyaient en effet aux communautés rurales les autorisations de dériver l’eau d’un torrent pour l’amener dans les zones cultivées. En échange, les vassaux devaient s’acquitter d’une taxe initiale et d’impôts annuels supplémentaires redevables selon des modalités précises.
À la fin du 13e siècle, une période prolongée de sécheresse et une forte augmentation de population ont nécessité l’accroissement de la production agricole. Ce qui ne pouvait se faire qu’en augmentant la surface cultivable des terres par le déboisement et en développant une agriculture plus rentable basée sur l’irrigation. Celle-ci était assurée par un réseau de rus principaux et secondaires de plus en plus petits sillonnant les cultures afin d’obtenir une distribution capillaire de l’eau. À l’époque de la reconnaissance des droits de dérivation de l’eau, dans les années 1920-30, plus de 1’700 canaux d’irrigation étaient répertoriés sous une appellation propre. On estime qu’aujourd’hui plus d’un tiers est encore utilisé à des fins agricoles.
Jadis, pour la gestion des ressources naturelles et des biens d’utilité publique, les communautés rurales avaient institué un système de travaux collectifs. Ce sont ces corvées qui ont permis de maintenir la fonctionnalité hydraulique des rus pendant des siècles et de les maintenir jusqu’à la fin de la 2e guerre mondiale dans un état de conservation quasi totale. Aujourd’hui ces pratiques sont fortement à la baisse, pour diverses raisons, parmi lesquelles la disparition de nombreuses entreprises agricoles, ce qui implique de recourir fréquemment à des entreprises spécialisées pour garantir le fonctionnement des réseaux d’irrigation.
En 1984 une loi a ouvert la porte à la création de consortiums d’amélioration foncière bénéficiant de fortes subventions pour l’aménagement notamment d’aqueducs, de canaux d’irrigation et de systèmes d’aspersion pour l’amélioration des prairies de fauche et des pâturages. Plus tard, le Plan de développement rural 2000-2006 a pris davantage en compte les questions concernant la défense du milieu naturel, le maintien du patrimoine environnemental, l’adoption de pratiques agricoles éco-compatibles, la gestion des ressources hydriques dans l’agriculture et l’exploitation du territoire rural à des fins touristiques.
Texte (résumé et adapté) et photos :
Giovanni Vauterin,
Région Autonome Vallée d’Aoste