Même si d’autres villes au monde - Djeddah en Arabie saoudite, East St.Louis aux États-Unis, Séoul en Corée du Sud - peuvent légitimement se vanter d’avoir installé des jets d’eau plus puissants que celui qui jaillit à l’extrémité ouest du Lac Léman, Genève restera toujours aussi fière d’avoir été la première à faire preuve d’ingéniosité en la matière.
D’ailleurs, du côté des Services industriels (SIG) qui en sont propriétaires et en assurent l’exploitation, on explique clairement qu’il n’est pas question de participer ici à une quelconque compétition internationale du plus haut jet, tout simplement parce que son environnement urbain, qui le rend en quelque sorte inimitable, oblige à maîtriser scrupuleusement les risques de la dispersion de l’eau. Il suffit en effet d’un gros coup de vent pour arroser quais et passants, voire même obliger les riverains à fermer les fenêtres de leurs appartements !
Les historiens aiment à rappeler que l’invention du jet d’eau genevois tient un peu du hasard : “Conséquence directe du développement de la force motrice, le premier jet d’eau apparaît à la Coulouvrenière en 1886, lors de l’inauguration officielle de l’usine. C’est une soupape permettant d’évacuer le trop-plein de pression lorsque la demande en énergie hydraulique de la part des industriels fléchit, comme le dimanche. Cette attraction est déplacée dans la Rade en 1891, année du Jubilé de la Confédération. La colonne d’eau atteint alors 90 mètres de hauteur et est alimentée par une canalisation sous pression dérivée de l’usine de la Coulouvrenière, elle-même branchée sur un château d’eau de 140 mètres. La nuit, elle devient fontaine lumineuse, éclairée par des projecteurs électriques.” (G.Duc, A.Frei, O.Perroux, ‘Histoire des énergies à Genève du XVIIIe siècle à nos jours’, p.87).
Ainsi donc, depuis le 2 août 1891, le jet d’eau n’a cessé de servir de carte de visite, pour ne pas dire de logo passe-partout, à une ville qui se sert de cet artifice aquatique, paradoxalement éphémère et permanent, pour attirer les regards, afficher ses ambitions et promouvoir sa renommée. La seule modification importante apportée entre temps à l’installation aura été de la déconnecter du réseau d’eau potable et de l’assortir d’une station de pompage autonome s’alimentant en eau directement dans le lac.
Le secret de la forme et de la blancheur du jet est à chercher dans sa tuyère spéciale qui projette un tube d’eau d’un diamètre de 16 cm à la base, aspirant au passage une bonne masse d’air qui le remplit de millions de bulles et lui donne ses allures de forte puissance et de grande légèreté.
Cinq volontaires, tous retraités des SIG - tel Antonio Dell’Acqua au nom prédestiné - veillent du matin au soir sur son fonctionnement : “une main sur la commande et l’oeil du côté de la météo, gardien de Jet d’eau est un métier un peu magique”. Il faut intervenir dès que les vents deviennent un peu turbulents et que la température frôle le zéro degré. (Source : SIG)