En janvier 2006, le Grand Conseil avait décidé de scinder en deux parties l’initiative populaire, munie de 12’000 signatures, demandant l’inscription dans la Constitution cantonale d’un monopole public en matière d’approvisionnement en eau, en gaz et en électricité. La majorité des députés s’était prononcée pour un traitement dissocié des monopoles de l’eau et de l’électricité. La revendication du monopole du gaz avait été abandonnée, jugée non conforme au droit fédéral.
Deux citoyens genevois, Gilles-André Monney et Josepha Chevallaz, avaient alors déposé auprès du Tribunal fédéral un recours de droit public contre la décision du Grand Conseil. Ils en demandaient l’annulation, arguant que l’initiative était globalement irrecevable. La même requête s’appliquait aussi, subsidiairement, à l’initiative portant sur l’électricité.
La volonté populaire a été respectée
Le Tribunal fédéral, dans l’arrêt du 18 octobre 2006 de sa 1ère Cour de droit public, note tout d’abord qu’il est « vrai que l’acceptation par le peuple des deux textes poserait un problème de rédaction, puisqu’il en résulterait l’adoption de deux normes portant le même numéro et consacrées l’une à la fourniture d’eau, l’autre à l’électricité. Il n’en découle pas pour autant une violation des droits politiques : cela permet en effet aux citoyens de s’exprimer clairement sur les deux sujets (…) Si elle est critiquable du point de vue de la technique législative, la scission opérée par le Grand Conseil ne pose pas de problème sous l’angle des droits politiques. »
Électricité : l’initiative est conforme à la Constitution cantonale
Les recourants n’élèvent pas d’objection à l’encontre du monopole des Services Industriels de Genève en matière de fourniture d’eau. Par contre, s’agissant de la revendication d’un monopole de droit cantonal dans le domaine de l’approvisionnement et la distribution d’électricité, ils estiment qu’elle constituerait une atteinte inadmissible à la liberté économique et que les motifs invoqués par l’initiative ne reposent pas sur un intérêt public suffisant.
Le Tribunal convient, à ce propos, « que le but d’éviter les privatisations du secteur de la fourniture d’électricité ainsi que les spéculations, est un pur objectif de politique économique, inadmissible », mais qu’il en va différemment des autres objectifs mentionnés par l’initiative : « Dans la mesure où il s’agit d’assurer la sécurité de l’approvisionnement, une distribution et une utilisation de l’énergie fondée sur les principes d’économie, le développement prioritaire des énergies renouvelables et le respect de l’environnement, l’initiative se conforme aux objectifs fixés à l’art. 160E de la Constitution cantonale, disposition dont la conformité au droit supérieur n’est ni contestée, ni contestable. »
À la remarque selon laquelle les recourants estimaient que d’autres solutions, moins restrictives, seraient envisageables, notamment sous la forme d’un régime d’autorisations assorties de charges et de conditions concernant l’obligation d’approvisionnement et l’origine de l’énergie
Electrique, les juges opposent le point de vue « qu’entre un système de monopole et celui de l’autorisation préalable dans un régime de libre concurrence, le premier permet d’atteindre de façon plus sûre, plus efficace et à moindre frais pour la collectivité les objectifs d’intérêt général fixés par la constitution cantonale (…) À défaut d’un accès réglementé au marché de l’électricité, la libéralisation par le biais des seules règles sur la concurrence, de manière ponctuelle et sans possibilité de fixer des conditions-cadre, présente des inconvénients importants ». Le principe de la proportionnalité paraît donc respecté.
On ne peut présumer de décisions fédérales ultérieures
Un autre argument, avancé dans le recours, portait sur le fait que le marché de l’électricité fait actuellement l’objet d’un projet de loi fédérale qui permettrait une ouverture par étapes du marché, tout en garantissant l’approvisionnement. Pour les recourants, la non-conformité de l’initiative genevoise en matière d’électricité pouvait en quelque sorte être déduite du débat en cours au Parlement fédéral.
Ce n’est pas du tout l’avis des juges fédéraux : « tant que demeurent les compétences des cantons dans ce domaine, il y a lieu de reconnaître au Constituant cantonal la possibilité d’effectuer le choix qui lui est proposé. Dans l’attente d’une réglementation fédérale, une libéralisation totale du marché, souhaitée par les recourants, n’apparaît pas préférable à la transformation, opérée par l’initiative, d’un monopole de fait en monopole de droit, laquelle se traduirait dans les faits par un statu quo. »
En conclusion de son arrêt, le Tribunal fédéral prononce donc le recours de droit public contre la décision du Grand Conseil genevois. (bw)
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