La distribution de l’eau dans les ménages irlandais est gratuite depuis 1997. Cette situation est probablement unique en Europe à l’échelon national, mais elle bénéficie d’une clause d’exception prévue par la législation européenne. À l’époque, Dublin avait estimé que le service de l’eau relevait davantage de l’impôt général que d’une taxe spéciale.
Mais, pour faire face à la crise économique et bénéficier du plan de sauvetage financier concocté en 2010 par l’Union européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne, le gouvernement irlandais s’était engagé, entre autres réformes et mesures d’austérité, à réviser cette pratique et décidé d’appliquer la règle de l’usager-payeur en faisant installer des compteurs d’eau domestiques. Le temps de procéder à cette vaste opération technique, il a été finalement prévu que le nouveau système de taxation entre en vigueur en 2015. À cela s’ajoute le fait que le réseau de distribution est souvent jugé extrêmement vétuste et qu’il ne répond plus aux normes internationales en la matière, sans parler de l’insuffisance des mesures en faveur de la protection des ressources en eau.
Une nouvelle compagnie nationale des eaux – Irish Water – a été créée en juillet 2013, en tant que société semi-publique, pour reprendre à terme la responsabilité complète de la gestion des services d’eau des 34 collectivités locales irlandaises et mettre en œuvre un plan stratégique de 25 ans. Pour le moment, le système de tarification ne prévoit pas de taxes fixes ni de taxation pour les 30’000 premiers litres d’eau consommés (ainsi que pour un surplus de 21’000 litres par enfant de moins de 18 ans). Les mètres cubes supplémentaires seront facturés 4,88 euros. Le même tarif s’appliquera au volume d’eaux usées.
Pour nombre d’Irlandais, qui disent ne pas vraiment bénéficier des effets de la reprise économique et qui doutent que les revenus de cette taxe soient affectés à d’autres secteurs que celui de l’eau, cette nouvelle redevance est "l’impôt de trop" qui ne peut que susciter leur colère. D’où la multiplication non seulement des manifestations de rue et des slogans du genre "Irish water will be free, from the river to the sea (l’eau irlandaise sera libre, de la rivière à la mer),
mais aussi des énervements à domicile envers ceux qui viennent installer des compteurs. Un membre d’une alliance anti-austérité, qui avait incité ses partisans à ne pas payer leurs factures d’eau, a remporté contre toute attente une élection législative partielle dans le sud-ouest de la capitale. Et un autre collectif a diffusé une vidéo dans laquelle il dénonce la "malhonnêteté" du gouvernement et affirme le droit, pour tout Irlandais, d’utiliser une ressource naturelle.
On notera cependant que c’est dans les agglomérations urbaines que la réforme annoncée devrait avoir le plus d’impact. Car, dans les zones rurales, des milliers de familles ont dû, depuis longtemps, investir elles-mêmes dans l’installation de leurs propres captages et systèmes d’eau, non sans l’appui parfois de subventions étatiques. (Source : presse irlandaise)