La question, selon Perween Rehman, n’est pas de savoir…
– comment faire participer les populations à des projets de développement, mais comment faire participer les pouvoirs et les professionnels aux initiatives que prennent les gens
– quel genre de partenariat il faut établir entre les gouvernements et les donateurs, mais quel genre de partenariat il faut promouvoir entre les gens et les gouvernements
– comment faire connaître les meilleures pratiques de développement, mais comment dénoncer les mauvaises pratiques (politiques et économiques, locales ou internationales) qui entravent les initiatives des citoyens.
Perween Rehman n’y va pas par quatre chemins pour expliquer sa vision du développement. Il ne s’agit pas d’aider les gens à prendre conscience de leurs problèmes. Ils les connaissent beaucoup mieux que les pouvoirs publics et que les experts. Ce qu’ils attendent, c’est qu’on leur apporte des réponses et des appuis techniques.
Orangi, raconte la journaliste pakistanaise Zofeen T. Ebrahim dans le dossier présenté par S-DEV Geneva 05, était hier « un quartier chaotique et puant, dont la population ne cessait de croître en vivant dans des maisons délabrées, des ruelles envahies d’excréments, des égouts surchargés ». Aujourd’hui, ce même quartier est « un exemple vivant et encourageant du triple partenariat population - société civile - État, le mantra de OPP » (ndlr. mantra : dans les religions orientales, phrase sacrée dotée d’un pouvoir spirituel).
Entre ces deux images, plusieurs années durant lesquelles les gens ont compris « que le seul moyen de sortir de cette vie malodorante était de se payer eux-mêmes un réseau d’égouts » et de construire eux-mêmes les canalisations sans attendre éternellement une hypothétique initiative du gouvernement : il fallait pour cela « dépasser la croyance que les autorités allaient leur installer le réseau gratuitement ».
Les populations locales sont prêtes à s’investir
Le travail est loin d’être achevé à Orangi, écrit encore Zofeen T. Ebrahim, mais il a déjà commencé dans d’autres quartiers pauvres : « OPP a réalisé des avancées vers d’autres parties de la ville, soutenant les initiatives des autorités locales en matière de développement externe. Au bout de vingt-cinq ans, l’association n’a plus besoin de motiver les populations. Elle a montré l’exemple. Elle a aidé à établir une interaction entre les populations et le gouvernement. »
Aujourd’hui, explique Perween Rehman, il existe un accord social entre les gens qui sont prêts à récolter des fonds et à s’investir eux-mêmes dans les travaux comme la construction d’écoles, de dispensaires, de canalisations, etc. Le gouvernement, il est là pour faire ce que les gens lui demandent de faire. C’est-à-dire le gros œuvre des travaux. Quant aux projets élaborés par des experts étrangers, ils se résument bien trop souvent – selon elle - à des constats d’échec.
Autant dire que la première qualité qu’elle attend des pouvoirs publics est leur capacité à prendre en compte les aspirations de leurs populations. Des professionnels, ingénieurs et autres experts, elle exige aussi une bonne dose d’humilité. Car la plupart du temps les normes qu’ils entendent appliquer ne correspondent pas à une étude réaliste des problèmes, mais à une manie de gonfler les budgets, ce qui bien sûr accroît les risques de corruption.
Une telle démarche est donc aussi une affaire de patience : « ça nous a pris quinze à vingt ans pour pouvoir enfin parler de succès, la ténacité finit par payer ! ». (bw)