Depuis quelque temps déjà, on observe des altérations du système reproductif et des marques d’affaiblissement du système immunitaire de certains poissons et d’autres espèces animales vivant en milieu aquatique. Des perturbations analogues sont ici et là également constatées chez des humains. Autant de constats dont on dit de plus en plus fréquemment, sans en faire toujours la preuve, qu’il faut en chercher l’explication du côté de ces perturbateurs endocriniens produits artificiellement par l’homme, hormones synthétiques ou substances chimiques de toutes sortes et de tous usages.
On pense bien sûr aux métaux lourds, aux pesticides, aux PCB, aux plastifiants pour emballages plastiques, mais aussi à des cosmétiques, des crèmes solaires, et surtout à de nombreux médicaments, anti-inflammatoires, antibiotiques, bêtabloquants, estrogènes, antidépresseurs, etc. détectés dans certains cours d’eau.
« Alors, se demande l’éditorialiste de la revue « Lémaniques », en quoi ces substances, connues pour la plupart de longue date, posent-elles problème aujourd’hui ? Existe-t-il des programmes de recherche et de veille sanitaire et les autorités sont-elles suffisamment attentives ? La problématique touche-t-elle essentiellement la faune et en quoi l’homme est-il concerné ? Quel rôle joue le réseau hydrographique ? A quel niveau de concentration en PE a-t-on affaire ? Les stations d’épuration sont-elles efficaces ? Un lien de causalité entre l’exposition à ce type de substances environnementales à action hormonale et l’observation d’un effet sur la santé est-il établi ? Des remèdes existent-ils et des mesures ont-elles été mises en place ? Finalement quelle est l’ampleur du risque et dans quelle mesure le principe de précaution doit-il être appliqué ? » C’est pour répondre à toutes ces questions, que l’Association pour la sauvegarde du Léman a confié à des scientifiques et ingénieurs la rédaction de ce dossier consacré prioritairement à l’environnement aquatique.
Dans sa conclusion, la rédaction de « Lémaniques » relève tout d’abord qu’il faudra sans doute pas mal de temps et d’investissements dans différents domaines de recherche pour évaluer à leur juste mesure les risques que ces substances font courir et les moyens de les neutraliser.
Mais, au bout du compte, la question essentielle est de savoir si nous pouvons « nous permettre d’attendre que toute la vérité soit faite sur ce problème » ou s’il ne faut pas plutôt « entreprendre déjà ce qui est faisable pour restreindre ou interdire l’usage de ces produits et pour les éliminer autant que possible du milieu naturel » ?
Autrement dit, ne faudrait-il donc pas appliquer le principe de précaution qui, selon la Commission européenne, réclame d’intervenir d’urgence « face à un possible danger pour la santé humaine, animale ou végétale, ou pour la protection de l’environnement même en l’absence de données scientifiques permettant une évaluation complète du risque ». (bw)
« Lémaniques », Revue de l’Association pour la sauvegarde du Léman, N° 62, Décembre 2006, 16 pp.