Longtemps on s’est contenté d’évaluer les ressources en eau de surface et ce n’est qu’assez récemment, en constatant ici et là des prélèvements démesurés d’eaux souterraines en particulier pour répondre aux nécessités de l’irrigation des terres agricoles, que les hydrogéologues ont cherché à mieux connaître l’état des aquifères.
L’enjeu de ces recherches est de taille quand on sait que des eaux souterraines dépendent à la fois la survie de nombreuses populations qui en ont besoin pour leurs productions alimentaires et la santé des écosystèmes naturels.
Pour tenter d’évaluer la quantité d’eau souterraine utilisée aux quatre coins de la planète, Tom Gleeson et ses collègues hydrogéologues de l’Université McGill à Montréal (Canada) ont mis au point un modèle hydrologique global basé sur un ensemble de données concernant les prélèvements dans des aquifères. Ils ont également calculé le taux de recharge de ces nappes, c’est-à-dire la vitesse à laquelle elles sont réapprovisionnées. Cela leur a ensuite permis de déterminer l’empreinte d’eau souterraine de quelque 800 aquifères dans le monde.
Les chercheurs ont déduit de leurs analyses que la taille de l’empreinte globale des eaux souterraines est actuellement d’environ 3,5 fois la superficie réelle des aquifères et que 20% des aquifères de la planète sont surexploités. Concrètement, près d’un quart de la population mondiale - environ 1,7 milliard de personnes - vit dans des zones où les ressources en eaux souterraines sont surexploitées et où leur utilisation à long terme n’est donc pas viable puisque la demande y est supérieure à l’offre.
C’est le cas, entre autres exemples, du bassin supérieur du Gange, en Inde et au Pakistan, où la surface d’extraction d’eau souterraine est plus de 50 fois supérieure à la superficie des réserves de l’aquifère. À des degrés divers, on retrouve la même problématique dans la plupart des grandes régions agricoles, dans le delta du Nil comme dans les grandes vallées californiennes.
Les experts restent toutefois prudents. Jay Famiglietti, hydrologue à l’Université de Californie, note ainsi que l’étude de ses collègues canadiens met en évidence le manque actuel de données fiables sur les eaux souterraines et qu’un tableau complet révélerait sans doute que bien d’autres aquifères sont exploités de manière non durable.
Compte tenu de la croissance démographique et des changements climatiques qui induisent ici et là des sécheresses plus fréquentes, il est absolument nécessaire de poursuivre ce genre de recherches. En attendant, conseille l’hydrologue américain, la seule manière de répondre à la question de la durabilité est de vivre avec la quantité d’eau dont on dispose réellement. (Source : Revue Nature)
(*) Gleeson T., Wada Y., Bierkens M., van Beek L.,
"Water balance of global aquifers revealed by groundwater footprint", Nature 488, 197–200 (2012)