La terre souffre du cancer de la peau. Ici et là apparaissent d’abord quelques taches de terre dégradée. Des taches qui peu à peu s’élargissent, se rejoignent et forment de véritables déserts. Conséquence : des populations entières sont forcées de partir à la recherche de territoires plus herbeux pour y faire leurs cultures et paître leurs troupeaux. En une génération, un pays comme la Mauritanie a vu se sédentariser la presque totalité de ses populations nomades, jadis nettement majoritaires. Autant dire que la dégradation des sols peut avoir de très grosses retombées sociales et politiques, jusqu’à déclencher de véritables guerres. En Somalie, par exemple.
Ce n’est pas seulement la faute au soleil ni aux conditions climatiques. L’homme y a sa part de responsabilités. On sait ce terrible cercle vicieux qui veut que le désert rende ses habitants toujours plus pauvres et que la pauvreté contribue à le faire avancer. Tout simplement parce que les moyens de préserver l’environnement font défaut. Et parce que des centaines de milliers de gens ne peuvent investir dans la conservation des terres si ces terres ne leur appartiennent pas.
Il faudrait bien sûr parler aussi des méthodes de culture et d’élevage qui accélèrent le processus de désertification. Il y a de plus un énorme fossé entre les moyens technologiques – satellites, banques de données, etc. - qui permettent de mieux connaître et parfois de prévenir les phénomènes climatiques, et les pauvres outils à disposition de l’agriculteur sahélien attaché à la terre de ses ancêtres. Mais comment combler ce fossé ?
Il en va des terres comme de la couche d’ozone ou des espèces végétales et animales : si on ne fait pas tout pour les conserver, on met en péril l’ensemble des équilibres naturels de la planète. La bataille contre la désertification ne peut être que solidaire, sans quoi elle devra faire face à des catastrophes écologiques, économiques et sociales.
Cela suppose que sur le terrain les populations directement concernées soient associées aux décisions qui les concernent. Et que les gouvernements, du Nord et du Sud, honorent les engagements qu’ils ont pris en signant il y a douze ans la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Hélas, non seulement la nécessité de protéger ces milieux arides est mal connue et mal comprise, mais les gouvernements eux-mêmes rechignent à investir dans les moyens de lutte.
La Convention sur la lutte contre la désertification
La Convention sur la lutte contre la désertification, signée à Paris en 1994, entrée en vigueur deux années plus tard et ratifiée par la quasi-totalité des États de la planète, est le troisième résultat tangible du Sommet de Rio de 1992, après les deux traités sur la biodiversité et sur les changements climatiques. L’enjeu de cette convention est vital : il concerne au moins un milliard de personnes et un quart des terres émergées.
Quand on parle de lutte contre la désertification, il ne s’agit pas d’abord de reconquérir les espaces envahis par les sables, mais de protéger la fertilité des zones arides qui n’ont pas encore été dégradées et d’assurer la subsistance alimentaire de ceux qui les habitent. Les remèdes, on les connaît : agriculture écologique, reboisement, irrigation.
Pour cela, il faut de l’argent. De ce point de vue, la convention n’est guère contraignante et ne dégage pas beaucoup de nouvelles ressources financières. Mais pour les gouvernements (du Sud et du Nord) qui prennent ce problème au sérieux, c’est là un moyen de mieux coordonner leurs engagements et de mieux utiliser les fonds disponibles.
L’autre point fort de la convention réside dans sa démarche "de bas en haut" : le premier rôle revient aux organisations des populations paysannes directement concernées. L’enjeu, ici, n’est pas tant financier que démocratique. Plusieurs gouvernements qui ne s’étaient pas particulièrement fait remarquer par la qualité de leur écoute des collectivités locales ont accepté en tout cas de relever le défi. Ce type de partenariat qui depuis des années inspirait déjà bon nombre d’organismes publics et privés d’aide au développement est en quelque sorte devenu une référence, voire une norme internationale.
Bernard Weissbrodt