Ces connaissances et ces techniques traditionnelles ont valeur de modèle :
- elles misent sur la bonne gestion et l’accroissement des ressources au niveau local ;
- elles prônent la multifonctionnalité et l’intégration des valeurs techniques, éthiques et esthétiques ;
- elles visent en priorité le bien-être des communautés et non la productivité qui n’est pas un but en soi ;
- elles partent du principe que chaque activité doit en générer une autre sans aucun gaspillage ;
- elles utilisent des énergies basées sur des cycles constamment renouvelables.
Le développement durable bien avant qu’on en parle
Jadis, explique Pietro Laureano, quand les communautés apportaient des modifications dans leur environnement, elles le faisaient sur la base de connaissances et de techniques résultant d’une longue expérience collective. Ce savoir-faire émanait de gens du cru et il se transmettait de génération en génération grâce à des gens dont on reconnaissait la compétence.
Les techniques mises en œuvre n’étaient pas de simples expédients destinés à résoudre uniquement des problèmes pratiques. C’étaient des systèmes élaborés et souvent multifonctionnels. Ils s’inscrivaient dans des approches globales et intégraient les composantes sociales, culturelles et économiques de la gestion des ressources.
Les communautés qui vivaient en harmonie avec leurs ressources pouvaient ainsi perdurer longtemps. Grâce à leur savoir-faire, elles parvenaient à accroître leurs ressources bien au-delà de ce que la nature pouvait leur offrir. Et les meilleures conditions de vie qui en résultaient servaient ensuite de point de départ à de nouveaux changements positifs.
Des savoirs qui font vivre la majorité de l’humanité
Grand nombre de ces savoirs locaux existent toujours et continuent d’être transmis, que ce soit dans des régions considérées comme arriérées ou dans des sociétés avancées, ou encore en des lieux de grande importance culturelle. Il est donc erroné de les considérer comme marginaux, d’autant que, d’un simple point de vue quantitatif, ils concernent une grande partie de l’humanité.
Pietro Laureano est bien conscient de ce paradoxe qui veut que c’est précisément dans les pays où les techniques traditionnelles sont encore largement utilisées que les "modernistes" les considèrent comme rétrogrades, alors que dans les pays industrialisés les techniques traditionnelles sont non seulement montrées en exemple et revalorisées, mais offrent pour certains produits une véritable valeur ajoutée.
Comprendre la logique des modèles traditionnels
Conclusion : les savoirs locaux - ainsi que les habitats historiques et les paysages traditionnels - offrent des solutions qui doivent être sauvegardées et renouvelées grâce aux technologies modernes.
Il ne s’agit pas de réintroduire indistinctement chacune de ces techniques, mais de comprendre la logique des modèles traditionnels. C’est elle qui a permis à différentes sociétés humaines d’améliorer leur statut et d’entreprendre des réalisations techniques, architecturales et artistiques qui font date dans l’histoire des cultures.
Le modèle oasis
Pour Pietro Laureano, qui a consacré beaucoup de soin à les étudier, les oasis offrent un véritable concentré de connaissances sur les écosystèmes, les habitats et les savoir-faire traditionnels dans les régions arides.
Ce sont des systèmes qui ont leur propre dynamique. Au départ : un simple phénomène de condensation que l’on accroît en plantant quelques palmiers. Ceux-ci produisent de l’ombre et attirent les micro-organismes qui formeront l’humus.
La palmeraie qui se développe crée par la suite un microclimat humide que l’on va alimenter par diverses techniques de captage hydraulique et de contrôle des nappes souterraines.
Le recours à des techniques de construction en pisé évite de gaspiller le bois (ce qui n’aurait pas été le cas avec des briques cuites au four).
En période de grande chaleur, il est possible de garder le frais dans ces habitats traditionnels grâce aux eaux souterraines. Quant aux déchets humains et ménagers, ils sont utilisés pour la fertilisation des champs.
La gestion des ressources en eau non seulement suit un cycle d’utilisation compatible avec le caractère renouvelable des quantités disponibles mais en augmente en même temps les capacités.
Grâce à ce savoir hydro-agricole, l’oasis prend alors valeur de modèle : il permet de créer des situations vivables dans des environnements âpres et difficiles.