Depuis la mise en service du barrage de Verbois, en 1942, cette vidange du Rhône genevois a toujours été jugée absolument nécessaire au bon fonctionnement de l’usine électrique et pour limiter au mieux la perte de volume utile de la retenue. Il en a été ainsi, à vingt reprises et selon une cadence triennale, jusqu’en 2003.
L’opération est très spectaculaire : elle consiste d’abord à vider totalement la retenue d’eau pour permettre au fleuve de retrouver un bref instant son écoulement naturel, puis à augmenter rapidement le débit du Rhône à sa sortie du Lac Léman. Ce flux puissant emporte les limons, graviers et autres sédiments qui s’étaient accumulés dans son lit, charriés essentiellement par l’Arve en provenance des massifs du Mont-Blanc.
Mais cette opération longtemps considérée comme le seul remède possible et efficace contre l’envasement progressif se paie cher en termes environnementaux. Elle provoque des effondrements de rives et de roselières, assèche les plantes aquatiques habituellement submergées et ont un impact certain sur la mortalité de certaines espèces d’oiseaux emportés par le courant. Les poissons eux aussi sont quasi irrémédiablement entraînés vers l’aval, leur nourriture est emportée du fond du fleuve, leurs zones de reproduction disparaissent.
De quoi mettre en colère les pêcheurs genevois qui, après la vidange de 2003, avaient obtenu du gouvernement cantonal qu’une réflexion approfondie soit menée sur l’opportunité de ces chasses et sur des mesures alternatives acceptables. Un moratoire avait alors été décrété, suivi de nombreuses études et recherches, modélisations et scénarios détaillés. D’où il était ressorti, entre autres, que, le temps de mettre en place de nouvelles formes de gestion du barrage, il importait sans tarder de retrouver le volume utile de la retenue. Pour cela, une chasse et un abaissement complet du Rhône étaient prévus en 2010.
Obligation de concertation
Restait toutefois un autre obstacle à franchir, car une vidange du Rhône genevois implique beaucoup de synchronisation avec les ouvrages situés en aval. Une grosse masse des sédiments dont on déleste le fleuve genevois se retrouve en effet rapidement au barrage français de Génissiat. Où l’on doit faire la même opération. Et ainsi de suite sur l’ensemble du cours d’eau.
La Tribune de Genève, qui dans son édition du 22 avril 2010 annonce la décision du gouvernement cantonal de reporter la vidange prévue à la fin du mois de mai, explique qu’a été sous-estimée l’ampleur des démarches administratives devant être entreprises côté français. C’est qu’entre temps, sous l’impulsion notamment de la directive-cadre européenne sur la protection et la gestion des eaux, les procédures obligent les autorités à consulter les populations riveraines et à mieux évaluer l’impact environnemental de ce genre d’opération.
Cela prend évidemment plus de temps et le calendrier annoncé ne pouvant être respecté, il ne restait plus aux Genevois qu’à annuler la vidange 2010. Non sans quelques points d’interrogations tout de même : qu’en sera-t-il l’an prochain ? Non sans quelques soucis également pour les Services industriels genevois qui gèrent le barrage de Verbois : ce report aura des incidences financières. Le directeur du pôle énergie des SIG, Pascal Abbet, cité par le quotidien genevois, parle d’une perte d’environ un million de francs. (Sources : SIG, Tribune de Genève)
– Pour en savoir plus sur les chasses du Rhône genevois, lire aussi dans aqueduc.info : Que faire des sédiments qui s’accumulent dans la retenue du barrage de Verbois ? et Comment concilier respect de la nature et production d’électricité ?