Pendant trois ans, le Service de l’eau de la Ville de Lausanne a testé des installations pilotes de traitement d’eaux contaminées par des métabolites de chlorothalonil, c’est-à-dire des substances dérivées de ce fongicide largement utilisé en Suisse pendant une cinquantaine d’années avant d’être interdit en 2020 par les autorités fédérales. Les résultats de ces essais viennent d’être rendus publics : les procédés d’élimination de ces métabolites qui recourent à du charbon actif affichent une "bonne efficacité de traitement" mais leur coût est relativement élevé puisque, selon les cas, ils devraient entraîner des augmentations du prix de l’eau potable de l’ordre de 15% à 75%.
En 2020, le gouvernement fédéral a interdit l’utilisation de produits phytosanitaires à base de chlorothalonil. Des analyses avaient en effet démontré que des métabolites (produits de dégradation) de ce fongicide d’usage courant étaient largement présents dans les eaux souterraines du Plateau suisse [1]. La Ville de Lausanne, dont 20% des ressources en eau souterraine sont concernés par le dépassement des limites acceptables pour ces substances, a alors débloqué un crédit d’études de 700’000 francs pour trouver les solutions à la fois techniques et économiques les plus adaptées permettant d’éliminer les deux métabolites de chlorothalonil dont la présence est jugée indésirable dans l’eau de boisson. [2]
Les experts du Service de l’eau de Lausanne et de ses partenaires de recherche publics et privés ont réalisé leurs essais sur trois filières principales de traitement, à savoir : 1. l’adsorption sur charbon actif (les micropolluants se fixent sur la surface des grains de charbon), 2. l’oxydation par l’ozone (technique courante employée pour “casser” les substances micropolluantes) couplée à une étape sur charbon actif et 3. la filtration sur membrane (procédé de filtration extrêmement fine sous haute pression).
Les pilotes de traitement testés sur l’une des ressources exploitée par le Service de l’Eau de la Ville de Lausanne : à gauche un pilote de filtration membranaire, au centre une unité de filtration sur charbon actif en grain et à droite un ouvrage de charbon actif en micrograin fluidisé (technologie Opacarb® FL) précédé ou non d’une étape d’oxydation par l’ozone (photo Service de l’eau, Lausanne).
Le charbon actif est particulièrement efficace
Ces essais ont montré que l’adsorption par le charbon actif était particulièrement efficace pour éliminer l’un des deux métabolites et que, pour le second, il était nécessaire de renouveler régulièrement le charbon actif. Mais la durée de vie de ce dernier peut être prolongée si on passe préalablement par une étape d’ozonation. La nanofiltration conventionnelle permet quant à elle une rétention totale des métabolites, même lorsque leur taux de concentration est élevé, mais c’est une solution gourmande en énergie et l’eau traitée via ce procédé perd une grande partie des sels minéraux qu’elle contient.
Au final, le recours au charbon actif semble répondre assez largement aux problèmes posés par la contamination des eaux souterraines par les métabolites du chlorothalonil, "avec une bonne efficacité de traitement". La mise en pratique de ces procédés nécessitera encore plusieurs études quant à leur faisabilité locale en fonction notamment des taux de pollution, des éventuelles solutions alternatives et des moyens financiers disponibles.
Combien coûteraient ces nouveaux traitements ? Le Service de l’eau de la Ville de Lausanne a fait ses propres calculs concernant des installations de petite capacité (de 10 à 100 m3/h) et une répartition des coûts d’investissement et d’exploitation sur 30 ans : le coût d’un traitement sur charbon a été estimé entre 0,30 et 1,50 francs par mètre cube en fonction des différentes concentrations en métabolites. Soit, selon la moyenne des tarifs pratiqués en Suisse, une augmentation du prix de l’eau potable de l’ordre de 15% à 75%. (Source : Service de l’eau, Ville de Lausanne).