En raison des effets du réchauffement climatique et quelles que soient les mesures prises pour limiter la hausse des températures, les glaciers d’un tiers des 50 sites classés au patrimoine mondial sont condamnés à disparaître d’ici à l’horizon 2050. C’est la conclusion d’une étude menée conjointement par l’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, et l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature. Encore faudra-t-il que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites de manière drastique pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Sinon il sera difficile de sauver les deux autres tiers.
"Sentinelles du changement climatique" : le titre de cette nouvelle étude [1] rappelle d’emblée que le recul et la fonte des glaciers sur l’ensemble de la planète fournissent l’une des preuves les plus spectaculaires du réchauffement du climat terrestre. Ces masses de glace font en tout cas partie des indicateurs les plus précieux pour comprendre le changement climatique, observer et mesurer son évolution et rechercher des mesures d’adaptation appropriées.
L’enjeu est de taille car ces écosystèmes glaciaires fournissent des ressources en eau douce vitales à la moitié de la population mondiale qui en a besoin pour ses usages domestiques, sa production agricole et son approvisionnement en énergie. Ils contiennent par ailleurs un tiers de la diversité des espèces terrestres. Et - on l’oublie trop souvent - ils font partie de l’univers culturel et spirituel de nombreuses communautés locales, sans parler de leur attrait touristique.
50 sites représentatifs de la situation mondiale
Cinquante sites du patrimoine mondial de l’UNESCO abritent pas moins de 18’600 glaciers couvrant une superficie totale de quelque 66’000 km2, soit près de 10 % de la superficie totale des glaciers sur la surface du globe. Du point de vue des experts, cela suffit à offrir un aperçu représentatif de la situation générale des glaciers dans le monde [2].
L’étude menée conjointement par l’UNESCO, l’UICN et plusieurs instituts de recherche avance un certain nombre de chiffres qui donnent une idée plus précise du recul de plus en plus rapide des masses glaciaires depuis l’an 2000 : durant les deux dernières décennies, tous les sites glaciaires du patrimoine mondial ont perdu plus de glace qu’ils n’en ont gagné. Cette perte est évaluée à 1’163 milliards de tonnes (Gt) de glace, soit une moyenne de quelque 58 milliards de tonnes par année, ce qui correspond grosso modo à l’addition des consommations annuelles d’eau de la France et de l’Espagne. Les trois sites les plus touchés se trouvent en Amérique du Nord (Kluane, Wrangell-St. Elias, Glacier Bay, Tatshenshini-Alsek), au Danemark (Illulissuaq) et en Islande (Vatnajökull).
Quel que soit le scénario climatique que l’on applique, il est quasi certain que les glaciers d’un tiers des sites classés au patrimoine mondial vont disparaître d’ici le milieu du siècle et parmi eux les derniers glaciers d’Afrique. Mais si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel susceptible de générer un réchauffement planétaire de plus de 4 °C, c’est environ la moitié de tous les sites qui pourraient être rayés de la carte. Ce sont les petits glaciers qui en pâtiraient le plus car ils réagissent rapidement aux variations du climat.
L’urgence : limiter le réchauffement
de la planète à 1,5°C
Pour les auteurs de l’étude, la principale action pour contrer ce recul spectaculaire des glaciers dû au changement climatique est de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, conformément à l’Accord conclu à Paris lors de la Conférence sur le climat de 2015. Ils mettent en évidence plusieurs actions à mener sans délai :
– Améliorer les stratégies et les techniques de surveillance des glaciers (mesures de terrain, télédétection, observation par satellites, modélisation, etc.) car les données font encore défaut concernant de nombreux sites et plusieurs aspects de leur évolution sont encore mal connus et incertains.
– Mettre en œuvre des mesures d’alerte précoce et de réduction des risques de catastrophe : c’est un fait que face aux menaces potentielles dues à la fonte des glaces (par exemple la formation naturelle de lacs ou de poches d’eau, glissements de terrains, tsunamis, etc.) la plupart des politiques se concentrent aujourd’hui davantage sur la réponse en cas de catastrophe plutôt que sur la prévention, la communication ou l’alerte précoce.
– Élaborer ou mettre à jour des stratégies en matière de gestion intégrée des ressources en eau en tenant compte des données relatives à l’évolution des masses glaciaires sur leur territoire car trop peu de pays disposent en effet d’un cadre juridique et réglementaire ou d’une politique publique adéquate pour protéger les glaciers.
– Promouvoir l’engagement des parties prenantes et des détenteurs de droits : il est fait particulièrement référence ici aux peuples autochtones et aux communautés locales qui sont souvent en première ligne du changement climatique et sont déjà ou seront les premiers à en subir les effets négatifs. Mais ces populations ont dans leur histoire des pratiques ancrées dans leurs cultures et leurs systèmes de croyance qui leur ont toujours permis de s’adapter aux mutations de leur environnement. (bw)