"Nous constatons tous au quotidien que l’eau est indispensable à notre vie", commente Janet Hering, directrice de l’Eawag. "En revanche, nous avons généralement une conscience beaucoup moins aiguë des bénéfices indirects que nous tirons des écosystèmes aquatiques (…) Toutefois, l’environnement aquatique ne peut rendre tous ces services que s’il est préservé et c’est généralement dans leur état le plus naturel que les écosystèmes sont les plus productifs. Mais à travers ses activités, l’homme impose de lourdes contraintes aux milieux aquatiques."
Ces propos peuvent être illustrés par trois exigences concrètes et des exemples extraits de la synthèse de ce colloque publiée dans le dernier bulletin d’information Eawag News (*) : garantir aux cours d’eau des débits réservés convenables, surveiller la contamination due aux perturbateurs endocriniens et poursuivre les efforts d’élimination des excédents de nutriments.
Gérer intelligemment les débits réservés
En Suisse, l’abandon programmé de l’énergie nucléaire devra être compensé en partie par une augmentation de la production d’hydroélectricité, laquelle, aujourd’hui, représente environ 55 % de l’électricité produite dans ce pays. Les propriétaires des installations et les sociétés qui les exploitent aimeraient de ce fait utiliser au maximum les ressources en eau et n’en laisser qu’une mince portion en aval.
Mais il leur faudra respecter les normes édictées lors de la récente révision de la loi sur la protection des eaux et qui obligent notamment à réduire l’effet des éclusées, redynamiser le transport de sédiments et rétablir les migrations de poissons. D’une étude menée par l’Eawag sur la rivière Spöl, qui dans les Grisons traverse le Parc national, il ressort qu’il est tout à fait possible d’assurer la protection écologique des cours d’eau à débit réservé sans entraver de manière exagérée la production électrique (voir ci-contre).
Détecter, évaluer, éliminer les perturbateurs endocriniens
Les innombrables et diverses substances chimiques persistantes qui sont répandues dans l’environnement posent un autre défi aux chercheurs qui, depuis quelques années, s’intéressent par exemple aux matières dont les effets se rapprochent de ceux des hormones : pilules contraceptives, produits ignifuges, protections anticorrosion, plastifiants et autres micropolluants. Leurs effets sur les organismes sont certes décelables, mais elles ont une puissance telle à des concentrations si infimes (sous le milliardième de gramme par litre) que même les méthodes analytiques modernes ne permettent pas de les identifier.
Le Centre d’écotoxicologie appliquée de l’Eawag et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne est aujourd’hui à la recherche de biotests qui permettent d’une part de mesurer et d’évaluer la contamination des eaux par les micropolluants, et d’autre part d’améliorer l’efficacité des traitements pratiqués dans les stations d’épuration. Mais, en Suisse comme dans l’Union européenne, il n’existe pas encore de normes de qualité concernant la présence de ces perturbateurs endocriniens dans les eaux de surface.
Les nutriments déterminent la biodiversité
En Suisse, l’aménagement des stations d’épuration et l’interdiction des phosphates dans les lessives ont permis de réduire considérablement l’eutrophisation des cours d’eau et des lacs. Aujourd’hui, un certain nombre de pêcheurs demandent que l’on freine l’élimination du phosphore de manière à favoriser la production de poissons de plus grande taille.
Les spécialistes émettent cependant de fortes objections contre de telles expériences : l’apport de phosphore dans des lacs naturellement pauvres peut provoquer l’extinction ou l’hybridation de certaines espèces. La phase d’eutrophisation des décennies passées a ainsi favorisé l’installation d’espèces allogènes qui au fil du temps se sont croisées avec les espèces autochtones, et le processus paraît aujourd’hui quasiment irréversible.
D’où la mise en garde des biologistes pour qui une telle stratégie de gestion du phosphore n’a pas de raison d’être. L’un d’entre eux, Piet Spaak, explique que "fertiliser un lac naturel de manière artificielle équivaudrait à le considérer comme une simple pisciculture, ce qui serait absolument contraire à tout principe de gestion durable des ressources naturelles". (Source : Eawag)
(*) Le bulletin Eawag News (n°72) et son dossier
"Le biotope aquatique – services rendus et besoins"
peuvent être téléchargés sur le site de l’Eawag