AccueilInfosDossiersSalon AQUA PRO GAZ

17 février 2014.

Le compteur d’eau dans tous ses états

La Suisse est l’un des rares pays européens qui ne dispose pas (...)

La Suisse est l’un des rares pays européens qui ne dispose pas de réglementation légale pour la mesure de la consommation d’eau froide. Il n’y a pas lieu de vraiment s’en étonner quand on sait que dans ce pays les milieux professionnels préfèrent en général s’autoréguler et se mettre d’accord sur leurs propres standards plutôt que de faire appel à la surveillance de l’État. Jusqu’à preuve du contraire. Or, dans le secteur des compteurs d’eau, on paraît se préoccuper aujourd’hui de la mise sur le marché d’appareils qui ne satisferaient pas aux normes internationales de mesure.

L’administration fédérale s’est d’abord lancée dans un projet de réglementation mais n’a pas été suivie par les distributeurs d’eau : ceux-ci privilégient la voie du contrat plutôt que celle de la législation et préfèrent voir confier les procédures de contrôle à des associations professionnelles plutôt qu’à des organes d’exécution.

En septembre 2013, une convention a alors été passée entre l’Institut fédéral de métrologie (METAS) et la Société suisse de l’industrie du gaz et des eaux (SSIGE) en vue de garantir que les compteurs d’eau froide utilisés en Suisse affichent des mesures avec toute l’exactitude requise pendant toute leur durée de vie
.
Saisissant l’opportunité du Salon aqua pro gaz de Bulle (du 5 au 7 février 2014), l’association des distributeurs d’eau a inscrit cette thématique – "Le compteur d’eau dans tous ses états" - au programme de sa journée technique annuelle. Une occasion qu’a saisie aqueduc.info pour faire aussi le point sur différentes questions, plus ou moins d’actualité, tournant autour de ces appareils de mesure.


Explications avec Philippe Collet,
conseiller technique au Bureau romand de la SSIGE.


  aqueduc.info : Un constat tout d’abord. Il y a encore, en Suisse, des communes qui ne disposent pas de compteurs d’eau, qui se satisfont de taxes forfaitaires par robinet ou par habitant, et cela ne semble pas faire problème ...


 Philippe Collet : "Dans certaines communes de montagne, l’eau naturellement à disposition est toujours largement supérieure aux besoins. De plus, il n’est pas nécessaire de la pomper ni de la traiter car elle est de bonne qualité vu que les captages sont situés dans des zones protégées. Autrement dit, il n’y a pas et il n’y a jamais eu dans ces communes de gestion organisée de l’eau.

Personne ne s’y est d’ailleurs jamais penché sérieusement sur les coûts induits par les travaux d’entretien et de renouvellement du réseau. Tous les frais passent globalement dans la comptabilité communale. Certes la loi impose un compte séparé pour les eaux mais il n’est pas toujours simple de la mettre en pratique : dans une petite commune, modifier les installations et placer des compteurs alors que de l’eau passe en permanence dans le trop-plein, ça peut coûter cher, voire trop cher, en matériel et en personnel.

Il faut savoir qu’en Suisse il n’existe aucune réglementation concernant le comptage de l’eau. Vous devez faire tarer votre balance si vous vendez du fromage ou votre compteur pour du gaz, de l’électricité ou de l’essence. Mais pour l’eau froide, il n’y a aucune obligation légale d’installer des compteurs ni de les ré-étalonner périodiquement. Tout cela est pratiquement laissé à l’appréciation du service local des eaux."

 Quoi qu’il en soit, il est difficile d’imaginer que les compteurs d’eau puissent mesurer des débits et des volumes avec une précision de 100 %. Qu’en est-il de leur fiabilité ?

 "Dans les compteurs il y a toujours une marge d’erreur et il existe différentes classes de précision. Pour les compteurs de bonne qualité les plus souvent utilisés, cette précision peut varier de 1 à 2 %. Et dans ce domaine la Suisse dispose de plusieurs fabricants locaux qui fournissent du matériel très fiable.

Leur principe de fonctionnement est relativement simple : dans les modèles les plus courants, l’eau est projetée sur une turbine à ailettes couplée à un système de comptage. Ces appareils comportent aussi des seuils de démarrage qui tiennent compte des différences de débit à l’ouverture des robinets jusqu’au moment où le flux se stabilise.

On voit également arriver aujourd’hui sur le marché de nouveaux types de compteurs électromagnétiques ou à ultrasons : ils sont plutôt utilisés pour de gros volumes, par exemple pour des livraisons d’eau d’une commune à une autre ou dans des installations industrielles ou commerciales. Ils ont pour avantage de faciliter le rapatriement des données vers un centre de commande et de ne pas freiner les flux s’ils tombent en panne, mais ils sont aussi beaucoup plus chers."

 La SSIGE et l’Institut fédéral de métrologie vont collaborer pour garantir un maximum de fiabilité pour les compteurs. Comment faut-il comprendre cette décision ?

 "Au départ, l’idée de l’administration fédérale était de mettre en place un dispositif légal sur le comptage de l’eau semblable à celui qui est en vigueur pour le gaz et l’électricité : les distributeurs auraient alors été obligés de créer un système de comptage et de ré-étalonner régulièrement les compteurs. Ce projet a été jugé inadéquat par les professionnels de la branche : on a en Suisse un parc de compteurs de bonne qualité et de fabrication locale, et un ré-étalonnage trop fréquent ne ferait qu’encourager l’achat à l’étranger de compteurs au meilleur marché possible et de moins bonne qualité.

Il a finalement été décidé d’ajourner ce projet et la SSIGE, en collaboration avec l’Institut fédéral de métrologie, a reçu mandat de dresser un état des lieux des compteurs d’eau en Suisse et de leurs performances, et d’examiner à la lumière de cette analyse s’il convient ou non de légiférer en la matière."

 Aujourd’hui, de plus en plus de services d’eau relèvent les compteurs à distance plutôt que manuellement. Cette technologie est-elle appelée à se généraliser ?

 "Cela correspond en tout cas à un besoin réel car l’accès physique à certains compteurs se révèle parfois difficile, voire pénible, et de plus en plus souvent impossible du fait de l’absence des propriétaires ou des locataires. Grâce aux télérelevés, c’est-à-dire des systèmes qui convertissent les données des compteurs en signaux électriques, électroniques ou informatiques, il est possible de déporter les mesures à l’extérieur des bâtiments, d’en faire la lecture dans la rue avec des instruments installés par exemple dans un véhicule, ou de les exporter directement par sms ou internet vers une unité centrale de relevés. Les distributeurs doivent toutefois veiller à ce que ces systèmes s’alignent sur des normes reconnues de compatibilité internationale."

 La pose de compteurs individuels d’eau froide par appartement fait débat dans plusieurs pays, en Suisse aussi. L’an dernier dans le canton de Vaud, un député a proposé d’inscrire dans la loi l’obligation d’installer des compteurs d’eau courante dans tous les appartements des nouveaux immeubles. Mais cette proposition, provoquant un véritable tollé, a été rapidement gommée. Quelle est la position des distributeurs d’eau sur ce sujet ?

 "C’était une fausse bonne idée, et pour plusieurs raisons. La première est qu’il faudrait multiplier tuyaux et compteurs et que cela génèrerait évidemment des coûts supplémentaires assez significatifs. Ensuite, administrativement parlant, relever et gérer une multitude de compteurs entraîne des frais également conséquents. Enfin, et ce n’est le moindre des problèmes, augmenter le nombre de canalisations dans un immeuble fait prendre le risque que la circulation d’eau soit beaucoup moins importante et qu’elle favorise la prolifération de germes absolument indésirables. Cette proposition était donc indéfendable tant sur les plans techniques et financiers que sur le plan sanitaire.

Si l’installation que vous mettez en place revient nettement plus cher que l’eau qui coule dans les tuyaux, ça n’a pas vraiment beaucoup de sens et les usagers sont perdants. Si cette eau avait en elle-même un prix très élevé, peut-être que cela se justifierait financièrement, mais, en Suisse, ce n’est pas du tout le cas.

Certains diront que ce faisant on ne respecte pas vraiment le principe du consommateur-payeur dont ce projet s’inspirait. Certes. Mais si, au final, le consommateur doit payer avec un comptage précis beaucoup plus qu’avec un partage ’approximatif’ des charges entre locataires d’un même immeuble, cela veut dire que personne n’a rien à y gagner hormis les fabricants de compteurs et les entreprises d’installations sanitaires !"

 Reste qu’en Suisse, où la majorité des habitants est faite de locataires, le consommateur ne sait jamais vraiment combien d’eau il consomme et combien ça lui coûte …

 "C’est peut-être intéressant - dans l’absolu – de connaître sa facture d’eau, mais en réalité c’est quelque chose de dérisoire quand on la compare aux autres dépenses personnelles ou aux autres postes du budget familial. Les consommateurs pensent peut-être qu’on touche à leurs droits fondamentaux quand on leur annonce une augmentation du prix de l’eau et qu’ils ne comprennent pas le pourquoi d’un changement de tarif. Cela relève davantage d’une réaction psychologique que d’un calcul économique. Et en fait, si les gens ne savent pas combien coûte l’eau et ne s’y intéressent pas outre mesure, c’est bien parce que cela n’a pas d’impact sur leur portemonnaie."

Propos recueillis par Bernard Weissbrodt




Infos complémentaires

Stand d’un fabricant suisse de compteurs d’eau (GWF) au salon aqua pro gaz 2014
(photos aqueduc.info)


:: En savoir
un peu plus sur
les compteurs d’eau

 Le compteur d’eau est un appareil qui permet de mesurer, en mètres cubes (m3) et en temps réel, le volume d’eau circulant dans une canalisation et donc aussi la consommation d’eau à l’intérieur d’un appartement, d’un immeuble ou d’un secteur de bâtiments.

 Les données relevées sur un compteur permettent non seulement d’établir les factures de consommation d’eau, mais aussi de localiser d’éventuelles fuites dans le réseau, d’identifier les sources de gaspillage et de mieux gérer les usages de l’eau.

 Les compteurs d’eau, généralement installés à l’entrée des immeubles, sont fabriqués dans des alliages très résistants et leur diamètre varie en fonction des canalisations (de 15 à 50 mm pour les modèles les plus courants, soit de ½ à 2 pouces).

 Les compteurs d’eau ont une durée de vie moyenne de 15 à 25 ans. Leur précision, de l’ordre de 2%, peut toutefois s’affaiblir au fil du temps en raison de phénomènes d’usure ou de dépôts calcaires notamment. Ils doivent être installés à l’abri du gel.

 Dans les modèles de compteurs les plus couramment utilisés, l’eau passe par un ou plusieurs jets qui font tourner une turbine à ailettes, elle-même reliée par couplage magnétique à un totalisateur comptabilisant les mètres cubes consommés.

 D’usages moins fréquents, les compteurs électromagnétiques comme les compteurs à ultrasons sont spécialement conçus pour mesurer les débits d’eau importants notamment dans les installations industrielles. Comme ils ne comportent aucune pièce mobile, l’eau y circule plus librement et de manière relativement silencieuse.

Module de lecture automatique couplé au compteur d’eau (aquametro)

 Les systèmes de lecture par ondes radio ou électroniques permettent de consulter les compteurs à l’extérieur, sur des appareils portables, de telle manière que les services des eaux peuvent organiser les relevés avec plus de flexibilité et sans devoir pénétrer dans les bâtiments.

 Plus sophistiqués encore, les systèmes de télétransmission via un réseau de téléphonie fixe ou mobile, ou via internet, permettent de relever à longue distance les données de consommation des compteurs de façon automatique et au besoin permanente, ce qui offre une meilleure réactivité en cas d’anomalie ou d’incident.



:: Liens utiles


 Société Suisse de l’Industrie du Gaz et des Eaux (SSIGE)
 Office fédéral de métrologie (METAS)
 Organisation Internationale de Métrologie Légale (OIML)

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


Contact Lettre d'information