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14 décembre 2007.

L’eau de fin d’année au Bénin

Décembre au Bénin. Mois d’harmattan. Vent sec et froid. Journées (...)

Décembre au Bénin. Mois d’harmattan. Vent sec et froid. Journées chaudes et nuits fraîches. Longues veillées propices aux contes (voir ci-contre). On se prépare à vivre six mois, sinon plus, de restrictions d’eau, voire de pénuries dans une bonne partie du pays. Paradoxalement, décembre est aussi le mois où beaucoup d’eau coule pour toutes sortes de libations, joyeuses ou rituelles.

Lorsque arrivent des hôtes de marque et autres « délégations officielles » - pensez aux nouveaux-nés ou aux nouveaux mariés – on répand un grand bol d’eau sur le sol, à l’entrée de la maison, là où se présentent les visiteurs à qui l’on souhaite la meilleure des bienvenues : « Kwabo ! »

Passé le seuil, les hôtes se voient offrir de l’eau potable dont les premières gouttes, que l’on laisse tomber à terre, suffisent à obtenir la bénédiction des ancêtres et mettre les arrivants en
confiance.

Dans les familles, la fête du souvenir tient lieu de rendez-vous festif annuel. Les membres se retrouvent au village autour de Tassinon, la prêtresse gardienne de la tradition, qui concocte de l’eau bénite sur l’autel du sanctuaire familial. La calebasse d’eau bénite fait ensuite le tour de tous les participants de la rencontre. Ce rituel garantit à tous et à chacun la bonne santé, le succès dans les affaires, et la concorde.

La fin d’année est généralement un moment propice à la réconciliation entre les protagonistes d’une mésentente, d’une crise, d’une querelle. En présence d’un médiateur, les parties en cause se confessent, jurent de se pardonner réciproquement. Puis se partagent un bol d’eau pour sceller le pardon et la paix retrouvée.

Enfin nouvelle année rime bien sûr avec festin. On fait sa fête au poulet, présent dans les sacrifices rituels comme dans les repas de famille. Avant de le sacrifier, le boucher lui offre un peu d’eau à boire pour en quelque sorte se dédommager du tort qu’il fait en ôtant la vie à un autre vivant.

Voilà donc l’eau mise à l’honneur dans toutes sortes de situations, synonyme tour à tour de bienvenue et de vœux, de santé, de concorde, de succès et de pardon. Qui dit mieux ? Bonne année 2008 !

Bernard Capo-Chichi




Infos complémentaires

:: La source, la mère
et l’enfant (conte)

Quand, sur le chemin de retour au foyer, après de longues heures de marche sous un soleil accablant, Naadu, son enfant dans le dos, arriva à la source d’eau fraîche, elle n’eut d’autre idée que celle de se désaltérer au plus vite et de faire boire son enfant, avant de poursuivre sa route. Tellement tous deux avaient soif.

Naadu déposa l’enfant à l’ombre d’un kapokier. Puis, calebasse à la main, s’en alla boire tout son saoul l’eau de la source. Alors qu’elle s’apprêtait à remplir la calebasse pour enfin désaltérer l’enfant, soudain la source d’eau s’arrêta de couler, tout à fait tarie, sans que suinte encore la moindre goutte. Naadu fondit aussitôt en larmes, se répandit en lamentations et jérémiades à répétition, implorant la source de faire preuve de générosité :

Eyi ! eyi ! adi ma na vi ce,
eyi ! eyi ! adi ma na vi ce
Toi ! Généreuse source d’eau je t’en supplie, reviens afin que je puisse faire boire mon enfant !

Un grand silence se fit autour de la source. Tout ce qui vivait dans les environs retint son souffle, toute la nature se prit de compassion pour Naadu et son enfant. Et de s’interroger : que va donc faire la source d’eau ? Accepter les supplications ?

Non. Rien n’y fit. La source d’eau toute en colère et irritée par la négligence de Naadu resta définitivement sourde et ne réapparut jamais.

La leçon de cette histoire, c’est que depuis ce temps-là, dans le Sud du Bénin, chaque fois qu’on offre de l’eau à boire à une maman accompagnée de son enfant, elle goûte l’eau, fait boire son enfant, avant de se désaltérer elle-même.

B.CC.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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