Cette opération "Lausanne Eau Solidaire" aura duré le temps de deux saisons. Lancée le 22 mars 2012 à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, elle s’est achevée le 22 septembre dernier sur un résultat jugé excellent par ses promoteurs, à savoir la Municipalité de Lausanne et son service de l’eau.
27 restaurants et 3 cliniques avaient choisi d’y participer en proposant à leurs hôtes de l’eau servie dans une carafe originale de 8 dl, spécialement conçue par un bureau de designers lausannois, vendue au prix de 2 francs. Au final, plus de 14’000 carafes d’eau ont été servies en six mois. De plus, il était possible d’acheter pour 30 francs un "pack" comprenant une carafe et un verre : 870 exemplaires en ont été vendus durant la même période (et continuent d’ailleurs d’être proposés à la vente).
Au total, ce sont quelque 57’000 francs (47’000 euros) qui bénéficieront au Projet communautaire pour l’accès à l’eau à Nouakchott. Ce montant permettra la construction de 4’000 mètres de conduites et le raccordement au réseau d’un millier de personnes qui bénéficieront ainsi d’un accès à l’eau à domicile.
Un partenariat public-public …
En fait, cette action ponctuelle s’inscrit dans un projet plus vaste et la somme récoltée ne représente finalement que le dixième environ d’un engagement durable et conséquent de la Municipalité lausannoise, rejointe en cela par plusieurs autres communes de Suisse romande.
Tout commence en mars 2009 à Istanbul. Dans l’enceinte du Forum mondial de l’eau, des représentants de la ville de Lausanne signent, avec d’autres autorités municipales de différents continents, un "Pacte" qui invite les maires et les élus locaux à s’engager concrètement dans des actions de solidarité, voire dans des partenariats durables, pour favoriser l’accès à l’eau des populations qui en sont privées.
Sur place, de premiers contacts sont noués avec la ville de Nouakchott. S’en suivent des visites de terrain et diverses concertations qui débouchent assez rapidement sur un projet concret : le service des eaux de la ville de Lausanne épaulera celui de la Communauté urbaine de la capitale mauritanienne. Avec, pour objectif, de renforcer les compétences locales pour la gestion de l’eau et financer la réalisation d’infrastructures en eau potable.
Ce premier projet d’amélioration de l’accès à l’eau, devisé à 345’000 francs suisses (environ 285’000 €), aura duré trois ans. Des bornes fontaines ont été réhabilitées, d’autres construites, des fontainiers formés à leur gestion, 1’800 mètres de conduite posés dans un quartier de la ville, trois camions citernes et un camion vidangeur de boue achetés et envoyés à Nouakchott. Au final, plus de 17’000 personnes ont bénéficié de cet accès amélioré à l’eau potable. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau face aux besoins d’une capitale qui a connu un développement anarchique depuis sa création à la fin des années 1950 et où les services de base n’ont pas pu suivre le rythme de sa croissance démographique (lire ci-contre)
… qui s’inscrit dans la durée
En novembre 2011, un nouveau Projet communautaire pour l’accès à l’eau prend le relais, appuyé cette fois par 14 communes romandes, mais aussi par la Coopération suisse et la Région Île-de-France. L’objectif programmé sur trois ans ne change pas, mais les engagements prennent de l’ampleur : il s’agit d’étendre le réseau d’eau d’une quarantaine de kilomètres et d’y raccorder plus de 4’000 ménages (environ 20’000 personnes), de construire plusieurs bornes fontaines et de lancer une vaste campagne de sensibilisation sur l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Ce projet est budgété à 1’738’000 francs suisses (près de 1,5 million d’euros) et c’est sur ce compte que sera versé le montant récolté dans l’action des carafes lausannoises.
Pour la Ville de Lausanne, cette opération particulière et limitée dans le temps ne visait toutefois pas seulement à récolter des fonds supplémentaires à l’appui du projet mauritanien, mais aussi à informer encore et toujours sur une autre réalité à l’échelle mondiale : "À Lausanne comme partout ailleurs en Suisse, il suffit d’ouvrir le robinet pour que l’eau coule et cette eau est tellement bon marché que les gens ne se rendent plus compte qu’il s’agit d’une denrée alimentaire précieuse".
Au même moment, à Nouakchott, la distribution de l’eau est faite d’inégalités quant à son accès, à son prix et à sa qualité : "les deux tiers de ses habitants ne sont pas raccordés au réseau d’eau public, vivent avec moins de 25 litres d’eau par jour et par personne, et doivent se ravitailler auprès de camions citernes ou de charretiers".
Malgré les difficultés inhérentes à tous projets, malgré les différences évidentes entre les réalités concrètes, les besoins et les moyens des uns et des autres pour y faire face, Lausanne et Nouakchott ont décidé d’aller de l’avant dans leur volonté de collaboration. Ces deux villes ne sont pas les seules à s’être lancées dans cette forme de solidarité Nord-Sud et ce qu’elles entreprennent ensemble peut éventuellement servir de modèle à d’autres collectivités publiques. La ville de Lucerne aurait d’ailleurs l’intention de s’en inspirer. De tout cela, il est probable qu’on reparle ces prochains mois : dans le calendrier de l’ONU, l’année 2013 sera en effet dédiée à la coopération dans le domaine de l’eau. (bw)
– En savoir plus sur les pages eauservice du site officiel de la Ville de Lausanne
– Site web de la plateforme Solidarit’eau suisse
– Lire aussi "Gérer l’eau des villes. À Lausanne, par exemple", article aqueduc.info (16 mars 2011)