En Afrique et dans les décennies à venir, les utilisations de l’eau vont sans aucun doute augmenter considérablement, en raison notamment de la croissance démographique et des besoins d’irrigation pour la production agricole. Et si l’on prend au sérieux le fait qu’actuellement sur ce continent plus de 300 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable, l’amélioration de l’approvisionnement en eau fait manifestement partie des priorités internationales. C’est en tout cas l’un des arguments qui ont motivé les travaux des quatre chercheurs britanniques signataires de l’étude publiée par la revue Environmental Research Letters.
Améliorer l’approvisionnement implique que l’on en sache davantage sur l’évolution des eaux souterraines. Car celles-ci réagissent beaucoup plus lentement aux variations climatiques et, en règle générale, ne nécessitent que peu de traitements puisqu’elles sont en principe naturellement protégées contre les contaminations. Le problème est que l’on ne dispose pas de données suffisantes sur le volume de ces ressources cachées alors que ce genre d’information est absolument nécessaire pour définir des stratégies adéquates et durables en matière de gestion des eaux.
Sans entrer dans le détail des méthodes de travail des chercheurs britanniques, on notera cependant qu’ils ont consulté et compilé des centaines de bases de données, de publications et de cartes, et qu’ils ont dû prendre en compte plusieurs paramètres hydrogéologiques tels que la nature des roches, leur perméabilité et leur porosité, la vitesse d’écoulement mais aussi de recharge des nappes, leur profondeur et leur degré de saturation, etc. pour finalement réussir à éditer des cartes qui donnent aujourd’hui une vue d’ensemble riche en enseignements.
Distribution inégale des eaux souterraines
– Les chercheurs estiment à 0,66 million de kilomètres cubes le volume total des eaux souterraines en Afrique (dans une fourchette qui varie entre 0,36 et 1,75 million), mais précisent aussitôt que toutes ne sont pas exploitables. De plus, elles sont inégalement réparties dans le sous-sol du continent.
– Les grands aquifères sédimentaires d’Afrique du Nord contiennent une proportion considérable des eaux souterraines de l’Afrique. La Libye, l’Algérie, le Soudan, l’Egypte et le Tchad détiennent les réserves souterraines les plus vastes. Bon nombre de ces aquifères sahariens ne sont cependant pas activement rechargés, mais l’ont été il y a quelque 5’000 ans lorsque le climat de la région était plus humide.
– Ces estimations de réserves d’eau souterraine ne tiennent pas compte de la qualité de l’eau car il n’existe actuellement pas de données suffisantes pour faire des évaluations régionales sérieuses. On sait toutefois que dans certaines contrées, on peut trouver dans l’eau souterraine des concentrations de fluorure ou d’arsenic notamment, et, dans les zones urbaines, des contaminations provoquées par les eaux usées et le manque d’assainissement.
– Dans de nombreuses régions d’Afrique, il y a suffisamment d’eau souterraine pour que la population locale s’approvisionne en eau, pour sa consommation domestique et pour de la petite irrigation, grâce à des pompes manuelles (entre 0,1 et 0,3 litre par seconde). Mais les possibilités d’exploitation de puits de forage d’un débit supérieur à 5 l/s sont beaucoup plus limitées.
– La profondeur de l’eau souterraine est un autre facteur important à prendre en compte pour l’accès à l’eau et son coût. Loin des centres urbains et lorsque les niveaux d’eau sont à grande profondeur, les équipements de forage et d’approvisionnement coûtent évidemment plus cher.
En conclusion, les auteurs de l’étude estiment qu’en matière d’utilisation des eaux souterraines il convient en Afrique de faire preuve de réalisme et ne pas développer des stratégies basées sur des prévisions généralisées de forages à grande productivité. Par contre, si les conditions hydrogéologiques locales sont bien étudiées, il sera sans doute possible de miser ici et là sur de possibles rendements élevés (Source : IOP/Environmental Research Letters)
– L’étude Quantitative maps of groundwater resources in Africa a été publiée dans le n° 2/2012 de la revue Environmental Research Letters
de l’Institut de Physique de Londres (IOP) et est disponible sur son site web.