Voyez par exemple le marché Dantokpa de Cotonou, l’un des plus grands de la sous-région. Il se tient tous les trois jours et accueille pas moins de cent mille personnes (oui, 100’000) sur un espace de quelques hectares. Jetez aussi un coup d’œil à l’Université d’Abomey-Calavi où se côtoient quotidiennement plus de vingt mille étudiants. Allez voir aussi du côté des auto-gares …
Ces lieux de grande fréquentation disposent-ils des services de base adéquats (latrines, lavabos, eau potable) en mesure de satisfaire les besoins physiologiques des usagers ? Plus prosaïquement : une fois loin de chez soi, est-il possible d’étancher sa soif, de faire pipi, ou d’aller à la selle ? Des enquêtes menées sur place, complétées par les témoignages de quelques usagers, m’ont permis de dresser un constat qui donne littéralement la chair de poule :
– dans 50% des cas, il n’y a sur place ni eau potable ni installation sanitaire
– dans 30% des cas, les installations sanitaires sont défectueuses, insuffisantes et dans un état d’insalubrité à couper le souffle
– dans 15% des cas seulement, les installations sanitaires sont relativement acceptables ; seule celle réservée au chef et aux hôtes de marque est irréprochable
– dans 5% des cas, donc très rarement, les installations sanitaires sont propres et fonctionnent bien.
Un sale coup pour la santé et l’environnement
En clair, l’accès à des installations sanitaires convenables sur les lieux publics n’est au Bénin ni chose aisée ni chose acquise et on devine quelles en seront les conséquences aux plans sanitaire, hygiénique et environnemental. Cette non disponibilité expose les populations à de graves ennuis de santé personnels à quoi s’ajoute le fait qu’à leur corps défendant elles dégradent l’environnement immédiat.
Places publiques, plages, rives des cours d’eau, caniveaux, coins et recoins, murs des enclos, terrains vagues : tout endroit est rapidement converti en lieux d’aisance de fortune. Sous les effets combinés du soleil et de la chaleur, ces lieux exhalent des odeurs de matières fécales et d’urine. Et quand arrive l’hivernage, les eaux pluviales se chargent d’en faire la dissolution chimique pour produire un bouillon de cultures bactériologiques générateur d’épidémies.
Pas de quoi, ensuite, s’étonner que dans les villes les maladies diarrhéiques deviennent endémiques et cycliques. L’année 2008 n’a pas échappé à la règle : depuis juillet une sévère épidémie de choléra sévit dans les quartiers insalubres de Cotonou, à Ayélawadjè notamment. Ce sont là des impacts directs de l’insalubrité ambiante et généralisée due au manque d’hygiène et d’installations sanitaires adéquates.
Plaidoyer pour des actions urgentes
Comment en est-on arrivé là ? Par négligence ou ignorance des autorités ? À cause d’actes de vandalisme des usagers ? C’est pourtant une affaire d’éducation, éthique et esthétique, qui ne devrait échapper à personne. Et il faudrait agir très vite car les soins de santé coûtent plus cher que la prévention. À chacun de prendre ses responsabilités et de s’engager selon ses moyens dans cette bataille pour la salubrité publique :
– aux responsables des municipalités et des services publics de mettre à la disposition des usagers des installations sanitaires publiques bien entretenues et de veiller à leur bon fonctionnement ;
– aux responsables des écoles, des universités, des ateliers d’apprentissage de mener, à travers les programmes d’éducation, une véritable promotion de l’hygiène et l’assainissement de base ;
– aux usagers, par civisme, de faire le meilleur usage des installations sanitaires auxquels ils ont accès.
Peut-être, alors, que l’Année internationale de l’assainissement ne sera pas une année perdue comme tant d’autres. Ce n’est vraiment dans l’intérêt de personne.
Texte et photos
Bernard Capo-Chichi