Dans ces villages, explique Bernard Béroud, président de l’association genevoise, « le premier axe de la solidarité internationale doit être de réaliser une adduction d’eau potable, de source ou de puits, afin de supprimer la pénible corvée d’eau, qui transforme les femmes et les enfants en bêtes de somme et met en danger la population ».
L’IAS, créée en 1996, a des projets dans près d’une dizaine de pays africains, du Sahel à la Corne de l’Afrique, en passant par la région des Grands Lacs. Pour le moment, ces projets ont déjà été concrétisés dans huit villages de l’Ouest africain. Année après année, elle affine sa connaissance du terrain et ses expériences techniques en matière d’adductions d’eau, de pompages électriques et solaires, dans l’équipement énergétique de base des dispensaires, écoles et autres bâtiments communautaires.
L’accès à l’eau au moindre coût
Les habitants d’Ayakopé, comme ceux de quelques autres collectivités togolaises, ont donc pu bénéficier d’un appui solide on ne peut plus efficace. Arrivés au Togo le 25 décembre, et une fois terminés tous les travaux déjà entrepris par un maçon et un plombier, Bernard Béroud et Marc Hauswirth pouvaient enclencher le système de pompage le 1er janvier déjà.
L’équipement de base comprend essentiellement un forage (ici, à une quarantaine de mètres de profondeur), un château d’eau en maçonnerie (à 30 kilomètres de la mer, l’atmosphère encore trop saline ne permet pas d’utiliser des contenants métalliques), des panneaux solaires (puissance d’un millier de watts), un local technique (pas de batterie, mais une gestion automatique directe de la pompe par onduleur) et des tuyaux de distribution placés à des hauteurs différentes, selon que l’on remplit les récipients au sol ou sur la tête.
L’investissement nécessaire à la réalisation de ce genre d’installation qui permet de fournir de l’eau potable à quelque 2’000 personnes tourne autour des 45’000 francs suisses, étant entendu que l’association IAS n’a pas de frais de fonctionnement et que ses membres travaillent bénévolement. Ajoutez 15’000 francs, et vous pourrez alors équiper le dispensaire de l’énergie solaire indispensable à un minimum d’éclairage de nuit et à l’alimentation d’un réfrigérateur pour la conservation des médicaments. « La vie des villageois s’en trouve considérablement améliorée, la mortalité infantile et maternelle recule, l’exode rural est freiné », constate Bernard Béroud.
Apprendre à gérer ensemble ce nouveau bien commun
Pour autant, le président de l’IAS n’embellit pas la réalité. Même avec des technologies très simples et résistantes, « la durabilité des projets reste un énorme problème, mais on compte sur le fait que la majorité de la population considère les installations comme son bien commun et qu’elle fera tout pour les protéger ».
Ce qu’on ne comprend pas toujours, vu du Nord, c’est que ces villages souvent laissés à eux-mêmes doivent résoudre tous les problèmes en même temps. Ceux de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, mais aussi ceux de la santé, de l’école, du marché, des moyens de transport, etc. Tout cela sans impôt communal !
Comment les gens d’Ayakopé vont-ils donc gérer financièrement leur eau commune ? « C’est leur affaire à eux, explique Bernard Béroud, le village administre ses services comme il l’entend ». S’il veut garantir un salaire minimum aux fontainiers, s’il veut amortir ses installations ou prévoir de nouveaux investissements, il n’y a guère d’autre choix que de faire payer les usagers. En l’occurrence 10 francs CFA pour une bassine de 20 litres (1000 CFA = 1,52 € =2,37 francs suisses).
L’argent de la vente d’eau pourra peut-être servir aussi à couvrir d’autres besoins du village, pour payer par exemple un salaire à un infirmier ou un instituteur. Ce qui suppose des modes de gestion compétents, efficaces, transparents et démocratiques par le biais, entre autres, de comités villageois, d’associations des usagers de l’eau ou des groupements féminins. Et ce qui ne va pas sans négociations avec les autorités traditionnelles ou les familles dominantes. Autrement dit, amener l’eau dans une collectivité pose du coup de nouvelles questions auxquelles elle n’est pas forcément préparée. Une chose est se battre pour l’accès de l’eau à tous. Une autre est de faire en sorte qu’ensuite cette eau soit véritablement reconnue comme un bien commun.
Bernard Weissbrodt