Vidange du barrage de Verbois et chasse du Rhône genevois. Les (...)
Vidange du barrage de Verbois et chasse du Rhône genevois. Les données du problème : concilier protection de la nature, production d’énergie, sécurité des biens et des personnes
Chaque année, quelque 350’000 m3 de sédiments apportés par l’Arve, se déposent dans la retenue de Verbois. Depuis plus d’un siècle, leur gestion s’est faite par le biais de chasses-vidanges (voir schémas ci-contre), d’abord sur la centrale de Chèvres (aujourd’hui disparue) puis sur le barrage de Verbois qui en est à sa 20e vidange. Au moment de sa mise en service en 1943, celui-ci bénéficiait d’une retenue de 15 millions de m3 d’eau. En 2012, il n’en restait plus que les deux tiers : depuis la dernière vidange en 2003, ce ne sont pas moins de 3,4 millions de m3 de sédiments qui se sont accumulés. La chasse-vidange de 2012 avait pour objectif d’en évacuer la moitié, de manière à dégager le lit du fleuve et assurer la sécurité des riverains en cas de crues.
– Une telle opération sur un fleuve transfrontalier nécessite une étroite collaboration entre les autorités suisses et françaises et entre les entreprises qui gèrent les différents ouvrages aménagés sur le Rhône, en particulier les Services Industriels de Genève (Seujet et Verbois), la Société des Forces Motrices de Chancy-Pougny (barrage franco-suisse en aval) et la Compagnie Nationale du Rhône qui exploite le barrage de Génissiat (en France). Il a fallu près de 2 ans pour mener à terme les différentes procédures d’autorisation, techniques et administratives.
– Les Services Industriels de Genève (SIG) ont décidé cette année de coupler l’abaissement de la retenue avec le remplacement des grilles de protection des turbines du barrage de Verbois dont l’usure et la corrosion ne permettent plus de garantir leur fonction de filtre. À l’avenir, les nouvelles grilles pourront être entretenues ou remplacées sans abaissement du plan d’eau. De ce fait, il avait été préalablement décidé de maintenir la retenue à son plus bas niveau pendant 7 jours au lieu des 3 jours habituels.
– Comme ces travaux de maintenance ne pouvaient être faits qu’à basses eaux, il fallait aussi réduire pendant plusieurs jours les débits du Rhône au barrage du Seujet. Le niveau du Léman s’est donc régulièrement élevé durant cette période, jusqu’à près de 40 centimètres au-dessus de son niveau annuel moyen (372.05 msm). Les SIG avaient certes anticipé cette montée du lac en le maintenant à une cote relativement basse, mais de mauvaises conditions météorologiques et de gros débits de l’Arve ont pendant 2 ou 3 jours quelque peu compliqué la gestion de ces différents paramètres hydrographiques.
–Les impacts des chasses-vidanges sur l’écosystème du Rhône sont très importants. C’est ce qui avait d’ailleurs incité les associations de protection de l’environnement à réclamer, et obtenir après 2003, un moratoire qui a débouché sur une suspension pendant neuf ans de cette pratique jusqu’alors triennale. Concrètement, chaque opération se traduit par l’asphyxie de milliers de poissons dans un fort courant chargé de sédiments, d’autres sont piégés dans des plans d’eau connexes, de nombreux nids d’oiseaux aquatiques sont détruits ou emportés, des nichées sont séparées des oiseaux adultes, les castors encourent des risques de prédation, des fronts de roselières s’écroulent, etc.
– Les services de l’État genevois et les SIG ont tenté, autant que possible, de réduire ces impacts quasi catastrophiques grâce notamment à des pêches préventives, à l’aménagement de zones refuges, et à l’alimentation de lagunes en eau potable pour compenser l’évaporation et conserver une concentration d’oxygène viable pour la faune piscicole.
– En se vidant, la retenue de Verbois fait aussi apparaître une multitude d’objets jetés dans le fleuve. La chasse emporte les matériaux les plus légers, bouteilles, cannettes, plastiques, bois, meubles, mais, dans ce Rhône-poubelle la baisse des eaux va mettre à découvert plusieurs tonnes de ferraille, dont des voitures (deux ont été repêchées), des deux-roues, des caddies, et même, rapporte la Tribune de Genève, onze coffre-forts, tous retrouvés au même endroit.
– À court et à moyen termes, les SIG ont la volonté de développer d’autres modes de gestion de la retenue de Verbois qui rendent possible l’évacuation des sédiments sans provoquer le désastre environnemental que l’on connaît aujourd’hui. Il reste cependant encore trop d’inconnues qui empêchent, pour le moment, de définir une stratégie précise. Dans un premier temps, il est envisagé de procéder entre 2015 et 2017, à un abaissement partiel du plan d’eau d’environ 4 mètres.
– Au final, le Canton de Genève et la Préfecture de l’Ain se disent satisfaits de ces opérations de vidange chasse qui se sont "globalement bien déroulées", ainsi que de la qualité de la collaboration entre autorités et exploitants des deux côtés de la frontière. Le groupe de coordination technique en charge du suivi des chasses doit maintenant rédiger un bilan final détaillé et en publier les conclusions d’ici quelques mois. (*)
(Sources : État de Genève, Direction générale de l’eau et Services Industriels de Genève)
La retenue du Rhône au barrage de Verbois une semaine après la fin de la vidange chasse
Avis de danger sur les rives du Rhône genevois (photos aqueduc.info)
Calendrier effectif des chasses du Rhône 2012
4 juin Abaissement de la retenue de Génissiat (France) 9 juin Abaissement de la retenue de Verbois, puis de celle de Chancy-Pougny 12 juin Ouverture des vannes au barrage du Seujet (Genève) et début de la chasse du Rhône, opération rendue difficile en raison de fortes crues des affluents du fleuve. Conséquence : un jour plus tôt que prévu, il est mis fin aux opérations d’accompagnement sur le Rhône français et la retenue de Génissiat est remontée. 15 juin Remontée de la retenue de Chancy-Pougny à son niveau normal 21 juin Début de la remontée à Verbois avec deux jours de retard sur le calendrier annoncé, en raison d’un problème imprévu survenu sur le chantier du renouvellement des grilles du barrage (grosse accumulation de boues non chassées). 22 juin La retenue de Verbois retrouve son niveau d’exploitation normal.
Le comment d’une opération très spectaculaire
Niveau de la retenue au moment de la construction du barrage
Au fil des ans, les sédiments s’accumulent, la capacité du barrage de Verbois diminue et les crues augmentent les risques d’inondations
La vidange Les vannes de fond du barrage de Verbois sont ouvertes, ce qui provoque un abaissement complet de la retenue d’eau et permet au Rhône, durant quelques jours, de retrouver son écoulement naturel
La chasse L’ouverture des vannes du barrage du Seujet, en amont de la retenue de Verbois, provoque une brusque augmentation du débit du Rhône : une partie des limons et autres sédiments accumulés dans le lit du fleuve transite ainsi rapidement vers l’aval
La masse des sédiments retrouve un niveau acceptable, les vannes de fond du barrage de Verbois sont refermées et la retenue d’eau retrouve peu à peu son niveau normal.
(Schémas réalisés sur la base de graphismes des Services Industriels de Genève)
Niveaux du lac Léman durant l’opération de chasse-vidange 01 juin : 371,70 msm 09 juin : 371,97 msm 13 juin : 372,16 msm 22 juin : 372,42 msm 30 juin : 372,29 msm
Les niveaux du lac Léman, fixés par un accord intercantonal datant de 1884, sont gérés au barrage du Seujet, en ville de Genève. Le niveau maximal normal est de 372.30 mètres, de juin à décembre, et le niveau minimal de 371.60 mètres, de mars à avril.
Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.
« Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")