Avec le réchauffement du climat, l’irrigation des terres agricoles par ruissellement prend de plus en plus d’importance. En Suisse, cela se vérifie dans les régions qui enregistrent peu de précipitations (500 à 700 mm/an) par comparaison avec les moyennes nationales, en particulier en Valais central, où la gestion des bisses fait partie d’un patrimoine plusieurs fois séculaire, et en Basse-Engadine, dans les Grisons, où certains auals ont été et sont encore en partie réactivés.
Le projet « Canaux d‘irrigation », mené dans le cadre du programme de recherche du Fonds national sur la gestion durable de l’eau (PNR 61), a étudié les effets des canaux à ciel ouvert et de l’irrigation sur la biodiversité des prairies, de la forêt et des espèces d’oiseaux. Par ailleurs, les organismes de gestion anciens et actuels des canaux d’irrigation et leur capacité d’adaptation ont été évalués sur la base d’études de cas.
Des résultats de ces recherches qui feront l’objet d’une publication ultérieure, on peut d’ores et déjà retenir quelques brefs enseignements :
– L’irrigation, en périodes normales, couvre tout juste les besoins en eau des prairies, mais elle ne parvient pas à compenser l’évaporation lors des périodes sèches ;
– Le remplacement de l’irrigation traditionnelle par ruissellement par des systèmes d’aspersion automatiques (sprinklers) n’a apparemment pas d’impact - à intensité et fréquence égales - sur le nombre d’espèces de plantes et de gastéropodes présentes dans les prairies de fauche. Mais cette pratique amène cependant une part plus importante de graminées, ce qui est moins intéressant pour les insectes et les oiseaux. Ce genre d’installation a pour autre conséquence d’homogénéiser les structures paysagères.
– L’arrosage par aspersion de prairies qui n’étaient pas irriguées auparavant entraîne une intensification de l’exploitation (fauche plus précoce, augmentation du nombre de coupes) et provoque le recul d’espèces d’oiseaux nichant dans les prairies, comme l’alouette des champs ou le tarier des prés.
– En forêt, l’irrigation passive (par infiltration) en provenance des canaux à ciel ouvert stimule la croissance et la vitalité des pins sylvestres sensibles à la sécheresse et améliore les propriétés des sols forestiers.
Mieux intégrer les différents acteurs
Menée par la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (SL-FP), avec la participation des universités de Bâle et de Lausanne, de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, et de la Station ornithologique suisse, cette étude propose de renforcer les organismes de gestion des canaux d’irrigation (consortages notamment) et leurs modes d’entretien (travaux communautaires). Elle encourage une meilleure collaboration entre agriculteurs, autorités communales, offices du tourisme, organisations de protection de la nature, etc., ainsi qu’entre les gestionnaires de canaux d’irrigation appartenant à un même bassin versant.
L’étude suggère également que la mosaïque de petites parcelles de prairies –arrosées par ruissellement ou par aspersion, ou non irriguées - soit soutenue par le biais de contributions à la qualité paysagère. En revanche, la disparition de l’irrigation traditionnelle en tant qu’élément central du paysage signifierait aussi la perte d’un précieux bien culturel. (Source : SL-FP)