Le village de Mantum, 2’500 habitants, est situé dans la commune de la Province anglophone du Nord-Ouest Cameroun. Le projet porte sur l’aménagement d’un captage de source, la construction d’un réservoir de 30 mètres cubes, d’une canalisation de 9 kilomètres et de 10 fontaines dans le village. Son coût a été évalué à 65’000 francs suisses, dont 30% à la charge de la commune et des villageois et 70% par Helvetas.
Par delà les travaux de mise en place du système d’eau potable, le projet a d’autres objectifs comme la constitution d’un comité villageois de gestion de l’eau, la formation de tous les partenaires locaux concernés, la protection de la zone de captage de source ou encore la sensibilisation des villageois aux actions d’hygiène communautaire.
TÉMOIGNAGE (extraits)
"Quand j’étais enfant,
je devais ravitailler toute la maisonnée en eau..."
Somo Carole, 28 ans,
agricultrice et enseignante d’école primaire
au Cameroun
"Je m’appelle Somo Carole. Je suis originaire de Ntaw Mbenten, un petit village de la Province du Nord-Ouest Cameroun. J’y suis née et y ai passé toute ma tendre enfance. Fille unique parmi huit garçons, j’avais pour devoir de ravitailler toute la maisonnée en eau.
Pour ne pas être en retard à l’école, je devais me lever à 4h30 et retrouver les autres filles de ma génération à un célèbre carrefour de notre quartier afin que nous allions chercher de l’eau à 2 km de la maison. Nous allions en groupe en chantant pour ne pas avoir peur. Et une fois à la rivière, chacune plongeait son seau dans le bassin et le remplissait.
Tous les seaux remplis, nous rentrions d’un pas alerte, question de les vider rapidement dans les grands réservoirs de nos maisons respectives et de retourner aussitôt.
Je faisais trois à quatre tours avant d’aller en classe à 8 heures. Mes frères ne pouvaient m’accompagner à la rivière car ils devaient s’occuper des animaux et du potager. Notre famille vit essentiellement de la culture et de la vente de la tomate, du maïs, du chou, et de l’élevage des porcs.
Maintes fois, je ne suis pas allée en classe parce que je n’avais pas puisé suffisamment d’eau pour toutes les activités de la matinée. Et c’était le cas avec plusieurs autres filles du village. Les jours où j’y allais, j’étais presque toujours en retard et sévèrement punie par mon maître ou ma maîtresse.
Au retour des classes, je devais repartir chercher de l’eau pour la cuisine, le bain et la vaisselle. Je ne faillissais jamais à ma tâche. Je préférais avoir des comptes à rendre à l’école, plutôt qu’à mes parents parce qu’au moindre manque d’eau, j’étais sévèrement battue, privée de nourriture, et interdite d’aller à l’école. Il arrivait parfois qu’allant vite je bute contre un tronc d’arbre et que dans ma chute, mon récipient se casse. Je passais carrément la nuit dehors car je savais que j’allais être battue à mort.
J’ai connu trop d’événements malheureux avec le problème d’eau auquel notre village faisait face. Je me suis fait mordre par un serpent un matin où j’allais puiser de l’eau à 5 h. J’ai perdu mes sœurs jumelles âgée de 9 mois des suites d’une dysenterie amibienne causée par la mauvaise qualité de l’eau.
Mes frères et moi avons plusieurs fois souffert de crises de diarrhées causées par la mauvaise eau que nous buvions. Mais notre mère réussissait toujours à nous soigner avec des décoctions traditionnelles. C’est dans ces conditions difficiles que j’ai grandi..."