“C’est en saison sèche que l’on reconnaît
les grands cours d’eau” (proverbe mossi).
Dans la Commune de Savalou, la source d’eau douce ‘Dékanmè’ à Gobada et la mare aux crocodiles (inoffensifs) ‘Tojiché’ à Ouessé, toutes deux pérennes, peuvent être considérées comme de véritables cours d’eau. En saison sèche, elles font en effet plus que ‘dépanner’ les hommes, les bêtes et les plantes.
Une végétation exubérante et une riche biodiversité font d’elles des écosystèmes dynamiques et vivants. C’est donc à juste titre qu’elles font l’objet de culte et d’une grande vénération de la part de la population. De plus, elles sont préservées des pollutions et dégradations d’origine humaine par des interdits religieux rigoureusement observés. C’est ainsi que dans ces deux villages, l’élevage du porc est proscrit. Il est également interdit de se rendre à la source pendant la nuit, de nuire ou de tenter de nuire aux animaux - crocodiles, tortues, poissons - qui en ont fait leur habitat.
“Chaque goutte d’eau compte”
De par ces temps particulièrement durs, la gestion de l’eau dans les ménages est aussi remarquable : l’économie de l’eau est la consigne la mieux partagée dans les foyers. Aucun gaspillage n’est toléré, la consommation d’eau est contrôlée.
L’eau, une fois rapportée à la maison, reçoit un traitement physique sommaire avant d’être conservée dans une batterie de jarres faites de terre cuite disposées le long des cases. Les eaux usées de cuisine sont données aux animaux domestiques (volaille, chèvres, etc.) tandis que celles de la lessive servent à entretenir la bananeraie familiale ou le petit jardin de case.
La qualité de l’eau, de son captage à son stockage, laisse cependant à désirer : il s’agit le plus souvent d’une eau turbide et argileuse. Le mode de traitement aux gouttes de pétrole ou d’eau de Javel est aléatoire, voire même dangereux, car ces substances liquides, à concentration élevée, sont toxiques et gravement dommageables pour la santé.
Dans ce domaine, tout le monde semble bien conscient des risques encourus, mais face à la pénurie d’eau ambiante, l’argument populaire : “on n’a pas le choix, la qualité de l’eau dans ces conditions est quelque chose de secondaire, et Dieu n’est-il pas là pour les pauvres ?” D’aucuns même ironisent, prétextant une immunisation contre toutes les pathologies liées à la qualité de l’eau. Grosse illusion, bien évidemment.
La responsabilité des autorités communales
Au Bénin, la loi sur la décentralisation oblige les autorités communales à fournir aux populations de l’eau de consommation de bonne qualité et en quantité suffisante. En tout temps et plus particulièrement en période de sécheresse. Il leur faut donc être attentives à ce qui se passe du côté de ces sources pérennes.
Ces ‘solutions de proximité’, autrement dit ces opportunités à portée de main que constituent ces zones humides et qui sont aussi des foyers de biodiversité animale et végétale, doivent être exploitées à bon escient pour répondre à la demande d’eau potable des populations.
Il importe alors de recenser et répertorier tous les points d’approvisionnement en eau de la commune, de les faire aménager, mesurer leur débit et évaluer leur qualité par des spécialistes avant l’avènement de la saison de pénurie. Il faut aussi les entretenir et ne pas les laisser à l’abandon lorsque les pluies sont de retour.
De louables efforts ont été faits dans l’aménagement de forages et de pompes à motricité humaine. Mais, en milieu rural, nombre de villages n’ont toujours pas accès à une eau propre et souffrent de maladies dues à la consommation d’eau douteuse. La prise en compte puis le traitement adéquat de ces eaux pérennes améliorerait très certainement cet accès.
On rétorquera que ce n’est qu’une goutte d’eau sur la pierre chaude de la problématique de l’accès à l’eau potable. Certes. Mais une goutte d’eau dans le bon sens de la justice et de la dignité humaine. Si les sources sont proprement aménagées, il devient possible de transporter de l’eau potable par camion-citerne, sinon par moto, jusque dans les localités les plus reculées. Cette approche de solution au problème du manque d’accès à l’eau potable est réaliste et à faible coût : la ressource existe, il faut la mobiliser, la traiter, la distribuer. Il vaut la peine d’essayer. Et c’est chose possible.
Bernard Capo-Chichi