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20 novembre 2012.

Que faire des sources d’eaux thermales béninoises ?

Bernard Capo-Chichi nous emmène vers une "commune d’eau", fière (...)

Bernard Capo-Chichi nous emmène vers une "commune d’eau", fière de ses eaux thermales. Mais voilà : par ignorance, manque d’intérêt et sans doute négligence, les sources qui pourraient être utilisées à des fins curatives restent inexploitées et leurs eaux s’écoulent dans la nature, telles une inexorable hémorragie. Comment mettre fin à ce gaspillage ? Comment mettre cette richesse naturelle à profit ? Autant de questions qui remuent les méninges de notre ami béninois à chaque fois qu’il passe par là.

Bonou, à une centaine de kilomètres au sud-est de Porto-Novo, dans la basse vallée de l’Ouémé, le plus long des fleuves béninois. Cette commune à vocation agricole et piscicole non seulement jouit de conditions climatiques enviables, mais elle s’enorgueillit de nombreuses sources d’eaux thermales. Des sources nées de forages dans le bassin sédimentaire côtier du Sud-Bénin, riche en eaux minérales, géologiquement parlant.

On connaît les paramètres physiques des eaux de source de trois villages : Atchabita, Assrosa et Ahouanzoumè, mais pas leur composition chimique détaillée. Si cela pouvait être fait, peut-être serait-il alors indiqué de les exploiter à des fins thérapeutiques, curatives et - pourquoi pas ? - touristiques. De quoi amener la prospérité économique dans cette commune vidée de ses populations par l’exode rural. Rien de tout cela pour le moment. Les prélèvements d’eaux sont destinés uniquement à la consommation.

Même les bébés les apprécient

Les natifs du lieu ne tarissent pas d’éloges à l’égard de ces sources d’eaux chaudes qui coulent sans arrêt, de jour comme de nuit et durant toute l’année. Ils apprécient aussi bien leurs propriétés gustatives, leurs vertus thérapeutiques, curatives que leurs usages domestiques. Ils disent par exemple qu’en plus d’être agréables à boire elles facilitent la digestion, qu’elles font dormir les bébés après leur bain et qu’elles moussent bien à la lessive. Tout cela, évidemment, sans le moindre traitement chimique ni physique. Ce qui fait dire à ceux qui en bénéficient que ces sources sont "la médecine que la terre leur a donnée".

Encore faudrait-il, pour confirmer ces propos élogieux et pour en tirer tout le potentiel économique et social, que l’on procède en laboratoire à des analyses physico-chimiques et bactériologiques plus poussées et exhaustives. Il n’est pas impossible qu’elles constituent de véritables trésors de santé. En attendant, elles continuent de s’écouler sans que rien ni personne ne puisse les arrêter. Ce qui laisse un amer sentiment d’abandon et de gaspillage de ressources naturelles fort précieuses.

Les populations n’ont pas non plus les comportements souhaités et s’installent sur les sites de captage pour y faire vaisselles et lessives. Autres menaces et non des moindres, les fréquentes inondations dont la vallée fait chaque année la pénible expérience. Si on n’y prend garde, elles pourraient souiller définitivement la qualité de certaines des eaux thermales et les disqualifier de tout usage.

Des ressources qui réclament protection

On ne sait que faire des eaux thermales de Bonou. Ni de beaucoup d’autres ailleurs au Bénin. On en a recensé plus de 200 qui, à peu près toutes, donnent une impression de trésors en déshérence, ignorés, négligés, menacés de pollutions alors même que l’accès à l’eau potable n’est pas encore, et loin de là, une réalité pour tout le monde. Une seule, l’eau minérale naturelle de Possotomè, est judicieusement exploitée et connue au-delà des frontières du pays.

Il n’est pas concevable d’un point de vue moral et éthique, de laisser pareilles ressources naturelles à l’abandon. Les eaux thermales représentent une richesse inestimable et irremplaçable. En attendant de trouver les moyens de les valoriser, il serait en tout cas possible de les protéger, à moindre coût, des pollutions et autres dégradations. À condition de faire appel au bon sens et au civisme des habitants ainsi qu’à l’esprit de décision des autorités de proximité.

Cela suppose à la fois l’installation d’un réseau d’adduction et de distribution d’eau qui maintiendrait les populations à l’écart des sources, la mise en place de périmètres de protection autour des captages, sans oublier les indispensables séances d’éducation et de communication avec les populations qu’il faut mettre à contribution. À défaut de pouvoir investir tout de suite dans les sources thermales, au moins conviendrait-il de les protéger. Avant qu’il ne soit trop tard.

Texte et photos :
Bernard Capo-Chichi
Porto Novo, Bénin



Infos complémentaires

Source d’eau thermo minérale d’Atchabita : la température à l’émergence est de 41°C. Son eau est très appréciée pour ses qualités gustatives et ses vertus thérapeutiques.

À Bonou, la température annuelle moyenne est d’environ 27°C et il y tombe chaque année quelque 1300 mm de pluies. La pêche et l’agriculture sont les principales activités de ses 30’000 habitants qui cultivent surtout le palmier à huile, des légumes et des céréales comme le maïs. Pourtant, cette commune souffre d’exode rural, ses forces vives sont attirées par le Nigeria voisin et son miracle pétrolier.

Source d’eaux thermo-minérales d’Ahouanzoume : d’une température à l’émergence de 40°C, elle sert plutôt aux usages domestiques.

Les recherches sur les sources thermales et leur exploitation industrielle offrent un réel espoir. Le débit de sortie des eaux varie selon les saisons, mais reste relativement faible : de 0,6 à 1,5 litre/seconde par exemple pour la source d’Atchabita. Soit un volume journalier moyen de quelque 80 mètres cubes. A l’émergence, ces eaux légèrement acides et à première analyse faiblement minéralisées affichent une température comprise entre 35°C et 50°C.

Source d’eau froide artésienne à Oke-Ola : ici la température à l’émergence est de 30°C et les comportements sont de nature à dégrader le site de captage.

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Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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