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mai 2016.

Quand l’école manque d’eau potable …

Lettre du Bénin 39

Igbola est un village de la commune de Sakété, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Cotonou, non loin de la frontière nigériane. Il possède une coquette "école de brousse", avec un effectif relativement réduit, tranquille au cœur de ce qui reste d’une ancienne grande forêt dense, "Igbola", aujourd’hui disparue. Mais, gros problème dont Bernard Capo-Chichi a pu se rendre compte, les écoliers n’y ont aucun accès à la moindre goutte d’eau potable.

Dans cette région, la sécheresse dure six à sept mois, de décembre à mai, pendant lesquels les puits domestiques comme les cours d’eau tarissent tandis que les journées s’égrènent dans une chaleur accablante. La demande en eau domestique est donc très élevée mais les forages disponibles sont loin d’être partout fonctionnels.

L’école primaire publique, elle, ne dispose d’aucune source d’alimentation en eau potable : ni puits à grand diamètre, ni forage, ni fontaine. À ses quelque 170 élèves, garçons et filles, répartis dans six classes, l’école n’a qu’un seau de 50 litres à leur proposer. Au moment de la récréation, les élèves n’hésitent pas à faire le porte-à-porte, de maison en maison tout autour de l’école, pour quémander de l’eau à boire.

La solution préconisée jusqu’ici par les enseignants, c’est de veiller à ce que chaque élève, pour étancher sa soif, apporte de la maison une petite bouteille d’eau en plastique. C’est mieux que rien, mais c’est nettement insuffisant. De plus, on peut douter de la bonne qualité de l’eau ainsi manipulée par de petites mains non expertes.

Le directeur de l’école, Moïse Djogbénou, ne cache pas ses inquiétudes quant aux risques sanitaires et aux problèmes de sécurité qu’encourent ses écoliers. Seul un forage pourrait fournir une solution durable, garantir une meilleure surveillance des élèves et apporter une eau de bonne qualité aux ménages voisins.

Cela permettrait également de faire du maraîchage et d’initier un verger dont les produits amélioreraient les repas servis à la cantine scolaire. L’école possède des latrines bien entretenues mais, sans eau, cela limite fortement leur bon usage.

Mais où trouver le million et demi de francs CFA (2000 euros) pour réaliser ce forage ? Les parents d’élèves d’Igbola, en majorité de petits paysans ou conducteurs de taxi-moto au maigre revenu, sont incapables de faire face à une telle dépense. L’État, avec le concours de plusieurs ONG, fait ce qu’il peut pour doter les écoles primaires des forages et des latrines qui font défaut à bon nombre d’entre elles. Moïse Djogbénou veut croire en la bonne volonté et la générosité des uns et des autres.

Texte et photos :
Bernard Capo-Chichi,
Porto-Novo, Bénin



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en saison sèche …

… quand les puits sont à sec, que les "délestages" – les subites et longues interruptions de courant– paralysent les pompages du service public, que les trop rares points d’eau sont pris d’assaut de l’aube à la nuit par celles et ceux qui vivent à proximité ou à dix kilomètres de là, que d’aucuns n’hésitent pas à boire l’eau des rivières avec les risques que cela représente pour la santé ?

Bernard Capo-Chichi a recueilli quelques témoignages dans les Départements béninois du Borgou et des Collines.
Ici nous n’avons qu’un seul point d’eau qui alimente tout le village. Tous les jours, de 4h30 du matin et jusqu’à 23h, voire jusqu’à minuit, la pompe est sans arrêt sollicitée mais l’eau ne nous suffit pas. La majorité des écoliers arrivent en retard et ne se lavent que deux ou trois fois par semaine.
(Un directeur d’école)

Dans ma commune, le problème d’eau est récurrent. Les puits sont à sec, les robinets sont poussiéreux, les citernes sont depuis longtemps vidées de leur dernier litre d’eau. A l’école, élèves et enseignants sont souvent en retard le matin, ou somnolent en classe parce qu’ils ont veillé toute la nuit autour de la seule fontaine d’eau publique. En dépit des quelques forages privés effectués par des nantis de la localité, l’eau reste une denrée très recherchée.
(Un autre directeur d’école)

Dans le village où je vis actuellement, il n’y a que 3 fontaines qui marchent. Les femmes passent plus de la moitié de leur temps dans la journée à se battre parfois autour des fontaines qui tarissent par moment. Certaines femmes vont à la recherche de l’eau même durant la nuit. Cela a des conséquences fâcheuses sur la population : les travaux agricoles et les commerces fonctionnent au ralenti, des élèves arrivent en retard à l’école à cause du manque d’eau.
(Un censeur de collège)

J’ai demandé à mes quatre filles d’aller me chercher de l’eau chacune un bidon de 25 litres. Mais trois heures plus tard, aucune goutte d’eau n’est encore tombée dans aucun des bidons. Car leur tour de puiser n’est pas encore arrivé …
(Un habitant)

Si mon mari me demande à manger, je lui réponds qu’on n’a pas encore gagné l’eau. Et il se tait. Ça fait deux fois cette semaine que je lui ai répondu la même phrase. Puis il a décidé d’aller au puits lui-même.
(Une femme)

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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