Cela fait donc un bon siècle que les lacs sont en Suisse l’objet de recherches scientifiques de toutes sortes. Mais, au fil des ans, ces écosystèmes continuent de révéler leurs secrets au compte-goutte. En voici trois exemples, présentés lors du colloque organisé pendant cette Journée annuelle d’information de l’Eawag.
70 espèces de poissons,
mais peu de vie en profondeur
Dans leurs études menées entre 2010 et 2015 sur la diversité des poissons dans les lacs périalpins, les chercheurs de l’Eawag ont recensé 70 espèces de poissons : les corégones (féra, palée) sont majoritaires jusque dans les eaux les plus profondes, mais seulement dans les lacs très propres ; les perches et les cyprinidés (vengerons, brèmes, etc.) prédominent dans les lacs qui ont été ou sont plus riches en nutriments.
Beaucoup d’espèces provenant de profondeurs plus importantes, surtout des corégones et des ombles, ne colonisent que certains lacs où elles ont vu le jour après la dernière ère glaciaire, en s’adaptant aux conditions de vie extrêmes. Mais, dans la plupart des lacs, les anciennes espèces de poissons vivant en profondeur ont disparu. Dans le lac de Zoug notamment, dont la profondeur atteint 197 mètres, il n’y a plus guère de poissons en dessous de 30 mètres.
Une surprise toutefois avec la découverte, dans le lac de Constance et à quelque 80 mètres de profondeur, de plusieurs exemplaires de la truite d’eaux profondes indigène, vivant exclusivement dans ce lac, souvent pêchée jusque dans les années 1960 mais déclarée éteinte en 2008 par L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
La surfertilisation existait déjà il y a 2000 ans
On peut trouver dans les sédiments des lacs de très nombreuses informations sur leur histoire, depuis l’époque des premiers habitats lacustres jusqu’aux plus récentes pollutions comme celles du césium déposé par les retombées nuageuses de la catastrophe de Tchernobyl.
À partir d’une carotte de sédiments longue de 10 mètres, prélevée dans le lac de Morat, les chercheurs sont parvenus à reconstituer l’histoire de l’exploitation des sols autour du lac : vers l’an 100 avant J.-C., les Romains se sont mis à déboiser à grande échelle les forêts environnantes.
Résultat : une bonne partie du sol a été rapidement lessivée, emportant un grand nombre de nutriments et provoquant une surfertilisation du lac. Et ce n’est qu’après la chute de l’Empire romain et consécutivement à plusieurs périodes marquées par un climat nettement plus froid au début du Moyen-Âge, que cette surfertilisation a baissé.
Augmentation de l’antibiorésistance
dans les effluents des STEP
Une autre étude de l’Eawag a mis en évidence, dans les sédiments du lac Léman, la présence de gènes de résistance à proximité des points de rejet des effluents de la station d’épuration de la ville de Lausanne. Cela s’explique par le fait que là où l’eau est suffisamment chaude, près des rives, des microbes fécaux peuvent cohabiter avec une multitude de bactéries et un cocktail de résidus d’antibiotiques et autres polluants.
Il est désormais avéré que certaines espèces qui étaient jusqu’ici sensibles aux antibiotiques ou à des bactéries environnementales le sont de moins en moins et augmentent leur capacité de résistance. Le risque sanitaire de cette charge est certes jugé très faible. Mais, lors des travaux de modernisation des stations d’épuration, il est donc conseillé de prévoir des traitements supplémentaires pour éliminer un maximum de gènes d’antibiorésistance et empêcher qu’ils soient rejetés dans l’environnement lacustre.
(Source : Eawag)
En savoir plus sur
– La Journée d’information 2016 de l’Eawag (Actes du colloque) – Document PDF (en allemand seulement)
– le Projet Lac de l’Eawag (en allemand ou en anglais seulement)
– l’histoire du Laboratoire d’hydrobiologie de Kastanienbaum