Le constat conjoint de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) ne surprendra personne : le cercle vicieux de la maladie et de la pauvreté, cause et conséquence des manques d’accès à l’eau potable et d’installations sanitaires suffisantes, sape les efforts de développement. Les enfants en sont les premières victimes.
Le rapport conjoint des deux organisations, rendu public le 26 août - Meeting the Millenium Development Goals (MDG) drinking water and sanitation target - A mid-term assessment of progress – se présente comme un bilan des actions menées depuis 1990.
Il en tire deux prévisions contradictoires quant à la réalisation des objectifs fixés en 2000 par l’ONU lors du Sommet du Millénaire (réduire de moitié, d’ici 2015, la part de la population mondiale qui n’a pas accès à une source d’approvisionnement en eau de boisson salubre et à des moyens d’assainissement adéquats).
Eau potable : objectif réaliste
Bonne nouvelle : l’objectif concernant l’approvisionnement en eau salubre de 800 millions de personnes d’ici 2015 pourrait être atteint. Selon l’OMS et l’UNICEF, le taux de couverture mondiale en eau potable au cours des 12 dernières années aurait en effet passé de 77 % en 1990 à 83 %. Plus d’un milliard de personnes en bénéficieraient.
Les progrès les plus importants ont été réalisés en Asie du Sud, en Inde et en Chine. Mais il faut tout de même rappeler que c’est en Asie que vivent les deux tiers des gens dont l’eau de boisson provient encore de sources insalubres.
Les succès sont moins probants en Afrique subsaharienne, même si certains pays affichent des bilans positifs, comme l’Angola, le Malawi, la République centrafricaine, la Tanzanie et le Tchad. Seuls 58% des populations d’Afrique noire s’approvisionnent en eau potable.
De manière globale, on peut dire que près de la moitié de la population mondiale est aujourd’hui approvisionnée en eau potable à domicile. L’OMS et l’UNICEF mettent en évidence les avantages économiques de ces raccordements : non seulement ils contribuent à une amélioration de la santé des familles, mais ils libèrent les femmes et les fillettes de la corvée d’eau, et leur laissent davantage de temps pour s’occuper de leur travail, de la famille ou de leurs études.
Assainissement : échec programmé
La mauvaise nouvelle du rapport, c’est que dans une décennie, 500 millions de personnes - vivant pour la plupart en milieu rural en Afrique et en Asie - seront encore et toujours privées d’installations sanitaires minimales.
Ce qui revient à dire que la non élimination des déchets favorisera la propagation de maladies à l’origine de millions de décès d’enfants alors que des millions d’autres survivront à peine.
Selon le rapport, le bilan humain et économique très lourd de cet échec quasi prévisible concernant l’assainissement pourrait être évité à condition de réduire le fossé entre populations urbaines et populations rurales : « la tendance mondiale à l’urbanisation marginalise les populations rurales défavorisées et surcharge les services de base dans les villes ».
Le monde industrialisé n’est pas à l’abri
Si, de toute évidence, les régions en développement sont les plus exposées au manque d’accès à l’eau et à l’assainissement, certaines tendances constatées dans le monde industrialisé inquiètent aussi les experts de l’OMS et de l’UNICEF.
Entre 1990 et 2002, la couverture des services d’eau y aurait diminué de 2 %. Elle ne concernerait par exemple que 83% des populations de l’ex-Union soviétique. Une proportion qui pourrait encore reculer au vu de la pression économique et démographique grandissante.
« Quelque chose pour tous »
Si l’on veut inverser cette tendance, de gros moyens financiers sont absolument nécessaires et urgents. Mais ils ne suffiront pas. Selon les auteurs du rapport, la clé de l’amélioration dans de nombreux pays a été l’adoption d’une politique nationale fondée sur le principe"quelque chose pour tous"plutôt que"tout pour quelques-uns".
Ce qui, au niveau local, implique une réorientation des ressources, pour ne pas laisser de côté les communautés les plus pauvres. Ce que l’OMS et l’UNICEF traduisent par une meilleure coopération entre autorités locales et secteur privé. (bw)
Source : Communiqué de presse OMS-UNICEF, 26 août 2004, Genève/New York
Le rapport sur le site de l’UNICEF
Liens :
– Organisation mondiale de la Santé (OMS)
– Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF)