"Nous avons encore trop peu d’étangs et de mares dans notre paysage, écrit Hansjakob Baumgartner, dans le dernier numéro du magazine ’environnement’ (1) de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Et parmi ceux qui ont été aménagés récemment, beaucoup ne répondent pas aux besoins des espèces menacées. La Suisse manque notamment de plans d’eau qui s’assèchent épisodiquement. Les mares et les étangs temporaires étaient jadis la norme. Ils se formaient dans les zones alluviales le long des grands fleuves ou sur les rives des lacs, au moment de la fonte des neiges et des glaciers, pour se tarir ensuite. Ou dans les cuvettes, quand les précipitations automnales et hivernales faisaient monter le niveau de la nappe phréatique ; là, elles subsistaient jusqu’à la fin de l’été. Un constat qui peut se résumer en une phrase : notre conception d’un étang idyllique ne répond pas aux besoins des espèces menacées. Ce qui revient à dire aussi que la majorité des batraciens ne profite guère de la multiplication des plans d’eau aménagés dans les jardins privés et les espaces publics.
Les biologistes expliquent que les petits plans d’eau temporaires - parmi lesquels on trouve aussi bien des mares que des flaques ou gouilles de gravières - conviennent généralement bien au cycle de vie de la plupart des amphibiens, qui comptent plusieurs milliers d’espèces et qui sont moins dépendants de l’eau que leurs prédateurs aquatiques, poissons ou insectes. C’est qu’une fois passés du stade de larve à celui de batracien adulte, la plupart d’entre eux quittent les zones humides pour gagner des habitats terrestres. Si leurs plans d’eau s’assèchent trop tôt, ils risquent de voir quantité de larves anéanties. Mais leurs prédateurs n’y survivront pas non plus ! Et tout compte fait, ceci importe plus que cela. Le bilan tourne à l’avantage des amphibiens et l’aménagement de plans d’eau temporaires leur est au final tout bénéfice.
"Si la Suisse veut sérieusement sauvegarder et promouvoir sa biodiversité, lit-on dans ’Hotspot’, le bulletin d’information du Forum Biodiversité Suisse (3), elle ne pourra pas s’abstenir de créer et de rétablir des plans d’eau temporaires". La solution idéale serait de les aménager "là où une dynamique hydrologique suffisamment naturelle permet leur assèchement sans l’intervention de l’homme". C’est-à-dire de creuser de petites dépressions dans des zones où la nappe phréatique affleure presque à la surface du sol, lequel se détrempe et s’assèche au fil des saisons et des aléas du climat. Ou alors d’inonder de petites prairies grâce à un système de ruissellement temporaire ou de créer des étangs traditionnels dont on évacue l’eau régulièrement.
Parmi les succès déjà enregistrés, l’exemple de la vallée de la Sarine (dans les cantons de Berne et de Fribourg) est souvent cité : une bonne dizaine de plans d’eau temporaires, de quelques dizaines ou centaines de mètres carrés, y ont été aménagés entre 2001 et 2007. Certains d’entre eux, approvisionnés par les eaux de pluie du printemps, sont équipés d’un dispositif de vidange qui permet leur assèchement en automne. L’objectif était de relier entre elles deux populations isolées de rainettes vertes. Résultat : les plans d’eau se sont rapidement repeuplés et on y observe désormais chaque année quelque 100 à 200 rainettes. (bw)
(1) Centre de coordination pour la protection des amphibiens et des reptiles de Suisse
(karch)
(2) Hansjakob Baumgartner, "Mille et un nouveaux étangs", magazine ’environnement´, OFEV, 2/2012
(3) Adrian Borgula, Benedikt Schmidt et Silvia Zumbach, "Protection des amphibiens - De nouveaux étangs s’imposent", Hotspot
, bulletin d’information du Forum Biodiversité Suisse, Projets pilotes, n°22/2010, pp.14-15