Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan, Kazakhstan : ces cinq États (la Coopération suisse est présente dans les trois premiers) qui constituent le cœur même de l’Asie centrale sont devenus indépendants au moment de la dissolution de l’empire soviétique en 1991. Cette date marquait la fin d’une histoire commune dont le cours était unilatéralement planifié à Moscou et le signal, pour chacun de ces pays, du repli sur ses propres intérêts nationaux. La transition s’est toutefois révélée parsemée d’écueils. Notamment en matière de gestion des ressources en eau.
Même un rapide coup d’œil sur une carte de la région suffit à soulever la question qui fait mal. Deux grands fleuves – l’Amou-Daria et le Syr-Daria – descendent des hauts sommets d’Asie centrale jusqu’à la Mer d’Aral (à supposer qu’en bout de course ils aient encore de l’eau compte tenu des prélèvements intempestifs pour les cultures de coton). En amont : le Tadjikistan et le Kirghizistan. Qui ont donc, en principe, de l’eau en abondance et la possibilité d’en tirer profit pour produire de l’électricité. En aval : le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. Jadis le pouvoir central soviétique leur garantissait l’eau et l’énergie électrique dont leurs économies étaient tributaires. Avec, comme monnaie d’échange, la livraison de gaz et de pétrole aux pays d’en-haut.
Aujourd’hui le décor a bien changé et chaque pays se rend bien compte que la voie solitaire, empruntée durant quelques années, mène droit dans une impasse. Nul n’ayant à lui tout seul la solution, le temps est venu des négociations, des compromis, ou mieux encore de la coopération régionale.
Urgences
Il y a véritablement urgence, insiste Johannes Linn, qui dirige à Washington le Centre Wolfensohn pour le développement. Pour de multiples raisons – géographiques et climatiques, politiques et économiques, démographiques et sociales – les conflits d’intérêts pourraient s’accentuer plus rapidement qu’on ne le pense. D’autant que les mois à venir risquent d’être problématiques : le dernier hiver a été rude et l’été passé très sec. Et les réservoirs qui sont loin d’être pleins ne suffiront pas à fournir de l’électricité en suffisance.
Il y a cependant de quoi espérer puisque ces cinq pays ont déjà réussi, non sans mal il est vrai, à mettre en place une Commission interétatique pour la coordination de l’eau en Asie centrale. C’est un mécanisme unique en son genre, affirme l’ingénieur ouzbek Victor Dukhovni qui, après avoir consacré toute sa vie au domaine de l’eau, en préside désormais le centre d’information scientifique. Ainsi, grâce à différents outils techniques et informatiques de surveillance et de mise en réseau, il sera possible d’avoir à tout moment une vue globale des ressources en eau de la région. Ce qui est le point de départ absolument indispensable à toute gestion de l’eau digne de ce nom.
Dans ce domaine, dira Doris Leuthard, ministre de l’économie, la Suisse peut apporter son expérience : « Nous sommes prêts à partager notre savoir-faire pour que l’eau puisse être utilisée de manière efficace, judicieuse et durable pour le bien-être des habitants de l’Asie centrale ». Mais, expliquera plus tard sa collègue Micheline Calmy-Rey, ministre des affaires étrangères, l’acquisition du savoir-faire technique ne va pas sans une transformation des modes de gouvernance : « un des objectifs principaux de la contribution suisse à la gestion de l’eau en Asie centrale est l’implication des usagers dans les processus de décision, car seul un modèle participatif sera à même de garantir une répartition de la ressource efficace et équitable ». (bw/Photo DDC)
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– Les liens particuliers de la coopération helvétique avec cette région s’expliquent entre autres par le fait que depuis son adhésion en 1992 au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale, la Suisse y représente un groupe d’États dans lequel figurent précisément les cinq pays d’Asie centrale.