Quel que soit le déficit actuel des connaissances sur les micropolluants, tout le monde semble à peu près d’accord aujourd’hui pour dire qu’il y aurait danger à les sous-estimer. Mais, compte tenu du fait que les stations d’épuration, telles qu’elles sont équipées, sont impuissantes à éliminer toutes ces substances, où donc mettre les priorités, et sur quelles actions faire porter les efforts de prévention ?
Tout le monde est concerné
Une première certitude : ce doit être l’affaire de tous. Des scientifiques, qui doivent poursuivre leurs recherches pour mieux identifier la nature de ces micropolluants de toutes sortes, leurs provenances, leurs toxicités réelles, leurs comportements à long terme. Des industriels, dont on attend qu’ils optimisent les nouvelles substances qu’ils mettent sur le marché (200 à 300 chaque année !) et qu’ils en précisent les usages adéquats. Des pouvoirs politiques, qui doivent soutenir la recherche mais penser aussi aux meilleurs moyens de protéger la vie humaine et l’environnement. Et des consommateurs eux-mêmes à qui il appartient d’opter pour un produit plutôt que pour un autre, ce qui suppose qu’ils aient accès à des informations fiables.
De ce point de vue, l’un des intervenants de cette journée, Luca Rossi, chercheur au Laboratoire de technologie écologique de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, a proposé un rapide inventaire des actions qui permettraient dès à présent de lutter à la source des pollutions, et donc de limiter ou d’empêcher l’entrée de substances polluantes dans les réseaux d’assainissement.
Les médicaments en point de mire
Lutter à la source, cela voudrait dire par exemple pouvoir choisir les médicaments dont on a besoin selon des critères de protection des eaux. Il faudrait pour cela pouvoir disposer d’une liste des produits pharmaceutiques en fonction des risques qu’ils représentent pour l’environnement. Cet inventaire est d’ores et déjà disponible en Suède (via le site non commercial janusinfo ou sous forme d’éco-label européen).
Dans le même ordre d’idées, il semblerait fort judicieux de s’interroger sur la façon de traiter les eaux usées des hôpitaux, classées par la loi dans la catégorie des eaux résiduaires industrielles. Il faut savoir que, dans les eaux usées des hôpitaux, la concentration de médicaments, de désinfectants ou encore de produits iodés d’imagerie médicale est 100 à 1000 fois plus grande que dans les eaux usées domestiques. Un projet de traitement décentralisé des médicaments dans un hôpital de Winterthur a montré qu’une telle façon de faire n’avait rien d’irréaliste.
Que faire avec les médicaments consommés à domicile et dont les deux tiers sont excrétés par l’organisme humain à travers les urines, et donc directement dans les réseaux d’assainissement. Des recherches ont été menées pendant plusieurs années, par exemple, dans le projet Novaquatis en vue de séparer les urines à la source. Une technologie NoMix a ainsi été mise au point qui permet, notamment, de fabriquer un engrais à base d’urine, exempt de micropolluants et utilisable en agriculture. Mais cette technologie pose quelques problèmes, dont celui de son acceptation sociale. Une enquête auprès de 1750 utilisateurs a cependant révélé que près des trois quarts des personnes interrogées trouvaient que c’était une bonne idée.
À chacun sa STEP ?
On parle aussi de plus en plus de stations d’épuration de proximité, voire de « STEP individuelles ». Mais la dissémination d’installations de petite taille pour le traitement des eaux usées pourrait peut-être poser davantage de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Qui va en effet les contrôler et en garantir l’efficacité et la fiabilité ? Comment leur maintenance sera-t-elle assurée ?
Pour Luca Rossi, une chose est sûre : il n’y aura pas qu’une seule solution à la question de la prolifération des micropolluants dans l’environnement et il n’y a de toute façon pas de recette miracle. Lutter à la source est une réponse parmi d’autres possibles. Et l’on n’a de loin pas fini d’en dresser le catalogue
Bernard Weissbrodt
(Informations recueillies lors de la Journée technique du Groupement romand des exploitants de stations d’épuration des eaux, GRESE, www.grese.ch – Bulle, 17 janvier 2008)