Depuis pas mal d’années, les collectivités publiques de Suisse ont consenti de gros efforts pour améliorer la qualité des eaux, principalement par le biais de la construction de nombreuses stations d’épuration (STEP). Celles-ci - personne n’en doute - ont contribué de façon efficace au bon état général des eaux de surface de ce pays. Mais aujourd’hui, elles doivent faire face à des défis croissants compte tenu de la densité de plus en plus marquée des zones urbaines et de l’augmentation de pollution générée dans pratiquement tous les secteurs d’activités humaines.
Diverses études approfondies sur les composés organiques provenant des eaux usées urbaines, notamment sur les perturbateurs endocriniens (des substances qui ont des effets négatifs sur le système hormonal des animaux), ayant recommandé d’améliorer le traitement des eaux usées, l’Office fédéral suisse de l’environnement (OFEV), dès 2006, a initié un projet - Stratégie MicroPoll - qui trouve aujourd’hui sa conclusion dans un rapport (*) appelant les collectivités à mettre en œuvre des mesures supplémentaires de traitement pour réduire sensiblement les teneurs en micropolluants des eaux usées au sortir des STEP.
Micropolluants insuffisamment éliminés
Les STEP communales actuelles, explique ce rapport, sont construites de façon à éliminer les substances solides, les substances organiques dégradables ainsi que les nutriments. Les plus récentes d’entre elles, équipées selon les dernières avancées technologiques, sont en mesure d’éliminer aussi certains micropolluants. Mais nombre de ces substances potentiellement dangereuses et non biodégradables ne sont pas ou trop faiblement éliminées. Même à de très faibles concentrations, ces micropolluants peuvent avoir des effets indésirables sur certains organismes aquatiques (algues, amphibiens, poissons, etc.)
Des mesures s’imposent, à différents niveaux : là, d’abord, où ces substances incriminées sont déversées dans les réseaux d’évacuation. Mais ce n’est pas toujours possible, en particulier pour les médicaments qui, une fois ingérés par les organismes, sont naturellement rejetés dans les eaux usées domestiques. Si l’on veut restreindre autant que possible les apports de micropolluants, il faut donc améliorer les méthodes d’épuration. On sait aujourd’hui qu’il existe deux procédés applicables à grande échelle, à savoir : le traitement au charbon actif en poudre et l’ozonation (voir ci-contre). Tous deux ont été testés scrupuleusement en Suisse, notamment dans la STEP de Lausanne.
Tant le traitement au charbon actif en poudre que l’ozonation permettent d’améliorer sensiblement la qualité de l’eau épurée pour ce qui touche à leur teneur en micropolluants et leurs effets néfastes. Dans les régions étudiées, il a été constaté que même dans les cours d’eau charriant de grandes quantités d’eaux usées, les effets négatifs de ces procédés sur les organismes vivants étaient quasi nuls.
L’amélioration de la qualité de l’eau a aussi un prix
Les études et essais pilotes ont confirmé que l’introduction d’une étape supplémentaire de traitement dans les STEP communales constituait une mesure efficace pour améliorer la qualité des eaux. Il faut cependant tenir compte des particularités propres aux divers cours d’eau, raison pour laquelle la priorité sera donnée aux STEP de grande taille (pour réduire la charge polluante), et à celles qui sont situées sur des cours d’eau charriant un grand volume d’eaux traitées (pour protéger les écosystèmes) ou de plans d’eau où s’approvisionnent les réseaux de distribution (pour protéger les ressources en eau potable). En équipant une centaine de STEP (sur plus de 700 existant actuellement en Suisse), c’est le traitement de la moitié des eaux usées du pays qui sera ainsi concerné.
Ajouter une étape de traitement supplémentaire se traduit évidemment par une hausse de la consommation énergétique des STEP, généralement de quelque 5 à 30 %, parfois davantage. Mais, compte tenu de l’amélioration de la qualité de l’eau obtenue, cette augmentation de la facture énergétique est jugée par l’OFEV comme tout à fait défendable.
Concrètement, le coût moyen de l’épuration des eaux en Suisse devrait grimper de 17 francs par habitant et par an. Actuellement, les frais liés aux STEP se montent à 0,70 franc par mètre cube, soit quelque 130 francs par habitant et par an. Le train de mesures envisagé entraînera un surcoût d’environ 130 millions de francs. Une solution de financement à l’échelle de la Suisse est à l’étude, de même que les bases légales nécessaires à la planification et au financement des mesures à prendre au niveau des STEP communales. (Source : OFEV)
– Le rapport Micropolluants dans les eaux usées urbaines - Etape de traitement supplémentaire dans les stations d’épuration est disponible sur le site de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV)