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3 octobre 2009.

Les tribunaux de l’eau espagnols inscrits au patrimoine de l’humanité

Au même titre que le tango ou la tapisserie d’Aubusson, les (...)

Au même titre que le tango ou la tapisserie d’Aubusson, les tribunaux d’irrigants du bassin méditerranéen espagnol figurent eux aussi désormais, dans les tabelles UNESCO, sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Ces instances judiciaires, bénéficiant d’une expérience millénaire, assurent un usage pacifique de l’eau entre des milliers de propriétaires terriens des plaines de Murcie et de Valence.

Les tribunaux d’irrigants du bassin méditerranéen espagnol sont des juridictions traditionnelles de gestion de l’eau qui remontent à l’époque d’Al-Andalus (IX-XIIIe siècles), lorsque la péninsule ibérique se trouvait sous domination musulmane, et qui furent ensuite reconduites et garanties par les rois chrétiens. Les deux instances les plus représentatives de cette pratique quasi millénaire, sont le Conseil des bons hommes de la plaine de Murcie et le Tribunal des eaux de la plaine de Valence.

Leurs membres sont des agriculteurs choisis de façon autonome et démocratique par les utilisateurs des canaux d’irrigation. Le Conseil des bons hommes de Murcie, composé de sept membres géographiquement représentatifs, a juridiction sur une assemblée de propriétaires terriens de 23’313 membres. Le Tribunal des eaux de Valence compte huit syndics élus, représentant neuf communautés de 11’691 membres au total.

Tous les jeudis

Les conflits entre irrigants sont réglés en audiences publiques, tous les jeudis, de manière orale, rapide, économique et impartiale. Les sentences, rendues sans délai, sont généralement respectées car ces deux jouissent d’une grande autorité morale : les procédures y sont transparentes et équitables, et les juges-agriculteurs sont reconnus par leurs pairs comme des personnes honnêtes et bien informées des us et coutumes de l’agriculture d’irrigation traditionnelle et du milieu naturel dont elle dépend.

Même s’il existe en Espagne d’autres communautés traditionnelles d’irrigants, le Conseil des Bons Hommes de la Plaine de Murcie et le Tribunal des Eaux de la Plaine de Valence sont les seuls tribunaux coutumiers et traditionnels reconnus par l’ordre juridique espagnol. Cela leur confère un statut spécial en vertu duquel leurs sentences ne peuvent pas faire l’objet d’appel devant les tribunaux ordinaires. Ces tribunaux ont sans aucun doute contribué efficacement à l’entretien des grands systèmes complexes d’irrigation de Murcie et de Valence, construits par des communautés agricoles régies par des principes de coopération, d’entraide mutuelle, d’accès partagé, de bon gouvernement et d’utilisation durable d’un bien commun rare. C’est ce qui explique à la fois qu’ils aient survécu aux aléas de l’histoire et se soient intégrés dans le système judiciaire espagnol, avec les mêmes garanties et la même valeur juridique que toute autre cour civile.

Symboles identitaires

Au-delà de leur rôle juridique, les tribunaux d’irrigants jouent un rôle-clé dans la vie de ces communautés dont ils sont le symbole visible, à preuve les rites lors de l’énoncé des jugements et leur présence fréquente dans l’iconographie locale. Ils assurent la cohésion des communautés traditionnelles, veillent à la complémentarité des métiers (gardiens, inspecteurs, émondeurs…), et contribuent à la transmission orale des savoir-faire d’irrigation à travers notamment un lexique spécialisé riche en arabismes. Ils sont ainsi les dépositaires d’une identité locale et régionale de longue durée. (Source : UNESCO)

 Pour en savoir plus, voir la page réservée à ces institutions sur le site du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (présentation, dossier de candidature, vidéo).




Infos complémentaires

Les plaines de Valence et de Murcie comptent ensemble plus de 17’000 hectares de terres irriguées
(© Direccion General del Paisaje - Valencia / Unesco)


Liste représentative

Lors de sa 4e session tenue à Abou Dhabi (Émirats arabes unis), du 28 septembre au 2 octobre 2009, le Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine immatériel a inscrit 76 éléments dans la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Cette Liste, qui comptait déjà 90 chefs d’œuvre proclamés avant l’entrée en vigueur de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, a pour objectif d’ « assurer une meilleure visibilité du patrimoine culturel immatériel, faire prendre davantage conscience de son importance et favoriser le dialogue dans le respect de la diversité culturelle ».

Patrimoine immatériel

Selon la Convention de 2003, le "patrimoine culturel immatériel", appelé parfois "patrimoine culturel vivant", désigne les pratiques, représentations et expressions, les connaissances et savoir-faire que les communautés et les groupes et, dans certains cas, les individus, reconnaissent comme partie intégrante de leur patrimoine culturel.

Il inclut les traditions orales et les langues menacées, les musiques traditionnelles et les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques relatives à l’environnement et à l’univers, les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

 Voir le site UNESCO sur le Patrimoine culturel immatériel


Le culte chinois de la déesse Mazu

Outre le cas des tribunaux d’irrigants espagnols, le thème de l’eau figure également dans la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel à propos du culte rendu dans les régions côtières de Chine à la déesse la plus influente de la mer, Mazu.

Mazu passe pour avoir vécu au Xe siècle sur l’île de Meizhou, où elle a consacré sa vie à aider ses semblables et est morte en tentant de sauver les survivants d’un naufrage.

Les habitants locaux ont construit un temple en son honneur et ont commencé à la vénérer comme une déesse. Elle est fêtée chaque année lors de cérémonies officielles et alimente une multitude de croyances, pratiques et coutumes traditionnelles.

 Pour en savoir plus

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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