Ce Forum, placé sous le slogan « Les communes parlent aux communes », se donnait trois objectifs : identifier avec les communes les mesures à mettre en œuvre pour appliquer concrètement les principes de durabilité de la Charte de l’eau de la région lémanique, promouvoir la méthode « Lemano » d’évaluation de la gestion de l’eau, et informer sur quelques pratiques de gestion collective (intercommunale) de l’eau à l’échelle d’un bassin versant de rivière.
De la théorie à la pratique
Si l’on veut atteindre les différents objectifs liés à la qualité de l’eau, le premier message qui ressort des divers exemples présentés au cours du Forum est qu’il semble non seulement possible mais également souhaitable et parfois rentable pour les communes de prendre d’autres mesures que celles liées strictement à l’approvisionnement en eau potable et à l’assainissement des eaux usées.
Les intervenants ont ainsi beaucoup parlé d’aménagement du territoire (limitation de l’imperméabilisation des sols, maîtrise des crues et diminution des risques d’inondation, etc.), de protection des milieux naturels (forêts, prairies, marais, etc.), de lutte contre la pollution (principalement à la source), d’information et de sensibilisation des populations pour les inciter à adopter un comportement responsable (non gaspillage et non pollution de l’eau). Entre autres exemples :
– La commune de Morges a ainsi mis en place un partenariat efficace (et rentable) entre les diverses administrations concernées, les propriétaires et utilisateurs de terres agricoles en vue de mieux protéger la nappe phréatique du Morand, la plus importante source en eau potable non traitée du canton de Vaud.
– En Valais, la commune de Bagnes a montré qu’il est certes techniquement possible de produire de l’électricité avec des eaux usées (celles de la grande station touristique de Verbier), et qu’un tel système est énergétiquement intéressant, mais aussi qu’une telle valorisation ne pouvait être envisagée sans la prise en compte de sa réelle rentabilité économique. Autrement dit, de tels projets ne seraient envisageables à l’échelle nationale que dans de rares cas et devraient bénéficier d’une aide financière publique adéquate.
– Veyrier, dans le canton de Genève, a pour sa part lancé un projet de revalorisation agro-écologique de sa source communale, située sur les contreforts du Salève, qui alimentait jadis ses fontaines publiques et dont le captage a été remis en état lors de la construction de l’autoroute voisine. Cette opération de développement durable, qui plus est transfrontalière, prévoit la création d’un biotope humide, la mise à disposition d’eau de qualité pour l’irrigation des cultures et la mise en valeur d’un patrimoine d’intérêt public.
La gestion collective n’est pas un luxe
Les exemples fournis par les participants français de la Communauté de Communes du Pays de Gex (Ain) et du Syndicat mixte des affluents du sud-ouest lémanique (Haute-Savoie) ont mis en évidence qu’une gestion collective des ressources en eau gagne en efficacité et en rationalité et qu’elle peut générer des bénéfices en termes de solidarité et financiers.
Il n’est pas judicieux, a-t-il été dit, de continuer de gérer l’eau de manière isolée. Au contraire, un rapprochement des communes permet de développer un sentiment d’appartenance à un même bassin hydrographique et donc au partage d’un même bien commun. D’un point de vue technique, il favorise la mise en commun des données et par voie de conséquence la mise en œuvre d’une gestion intégrée de la ressource. Sans parler évidemment des économies d’échelle sur le plan financier.
L’une des pratiques intéressantes de la gestion collective est celle des contrats de rivière qui regroupent l’ensemble des acteurs de l’eau d’un bassin versant (collectivités, administrations, associations, usagers, etc.) et qui proposent une panoplie d’activités visant à l’amélioration du milieu aquatique. Il existe cependant l’un ou l’autre bémol à sa performance, notamment le fait que le bassin topographique ne correspond pas toujours au bassin hydrologique souterrain (ce qui est particulièrement le cas dans les configurations karstiques jurassiennes).
Un outil original
De ce point de vue, les collectivités publiques lémaniques peuvent aujourd’hui s’inspirer d’une méthode d’évaluation originale, baptisée « Lemano », mise au point dans le cadre d’une collaboration entre l’ASL et le Laboratoire d’Ecologie et de Biologie Aquatique de l’Université de Genève.
Cet outil d’aide à la décision permet aux communes de disposer d’un utile diagnostic quant à leur manière de gérer l’eau sous l’angle du développement durable. Il leur en révèle les points forts et les faiblesses et oriente leurs choix compte tenu des ressources en eau disponibles et à des coûts raisonnables.
À noter encore, au cours des ateliers qui ont occupé une partie du Forum, une série de réflexions sur les meilleurs moyens d’orienter les comportements des citoyens consommateurs face aux défis de l’eau, étant entendu que les usagers peuvent exercer une influence significative sur l’efficience et l’efficacité des services de l’eau. Dans ce domaine, il est apparu que la priorité devrait porter sur l’information, l’éducation et l’enseignement. En famille, à l’école et dans toutes les circonstances de la vie quotidienne, tant sont nombreux les usages de l’eau. (bw)
– Le site de l’ASL : www.asleman.org
– Charte de l’eau de la région lémanique
– L’étude LEMANO sur le site de l’ASL