L’étude de la toponymie en vigueur sur les cartes de l’Institut géographique national (IGN) permet par exemple de recenser un grand nombre de sources naturelles et pérennes sur tout le territoire biturige, du nom d’une ancienne tribu gauloise. Elles constituent régulièrement le point de départ d’un aqueduc, comme la source de Traslay (Fig. 1) qui en prend alors le nom. Certaines de ces sources ont d’ailleurs été réaménagées et servent aujourd’hui encore à l’alimentation principale en eau de plusieurs communes.
Les sources ne constituaient pas le seul mode d’approvisionnement en eau : la plupart des rivières actuelles existaient déjà à l’époque, l’eau de pluie était recueillie dans des bassins ou des citernes, et les nappes phréatiques étaient exploitées grâce à des puits (retrouvés en grand nombre dans la zone étudiée). Des pompes en bois et en plomb sont d’ailleurs reconnues comme datant de cette époque (la pompe de Périgueux par exemple). Toutefois, le sol superficiel de la Champagne berrichonne, région naturelle fortement transformée par l’homme à l’époque gallo-romaine, était et est encore pauvre en eau.
De véritables savoir-faire hydrauliques
Les Gallo-Romains ont donc dû user de leurs savoirs techniques hydrauliques pour transporter cette eau sur de longues distances, de son point d’origine jusqu’aux châteaux d’eau, puis pour la redistribuer non seulement aux fontaines, aux thermes ou aux particuliers les plus aisés, mais aussi jusqu’aux villae, résidences et exploitations agricoles situées à la périphérie des villes ou dans les campagnes.
C’est au moyen d’aqueducs et de canalisations en bois, terre cuite (Fig. 2), plomb et pierre qu’ils y sont parvenus. A titre d’exemple, quatre aqueducs de grande taille maçonnés en pierre alimentaient Bourges durant l’antiquité : ils se dirigeaient soit vers un château d’eau, soit directement vers des thermes ou vers une fontaine monumentale. La ville de Néris-les-Bains (Allier), connue depuis l’antiquité pour ses eaux thermales, était alimentée par au moins deux aqueducs : l’un était maçonné, l’autre en partie maçonné et partiellement constitué d’un tuyau de terre cuite.
Dans les agglomérations, les premiers monuments desservis par cette eau étaient les fontaines monumentales, destinées à tous les habitants et en libre service comme la fontaine monumentale d’Argentomagus (Saint-Marcel, Indre, Fig. 3). L’eau remplissait alors sa première fonction vitale : la boisson et la cuisine. Elle avait ensuite une fonction hygiénique : elle alimentait les thermes, mais servait aussi aux latrines et au nettoyage des égouts et des rues.
Ses quatre autres usages concernaient l’artisanat (meuneries, teintureries, etc.), les jeux publics (naumachies), l’agrément privé (jardins, fontaines, bassins) et les services de lutte contre les incendies. Dans les villae et en milieu rural, l’eau servait aussi pour l’hygiène, l’artisanat et l’agrément, mais elle avait pour fonction principale l’irrigation des cultures vivrières.
Ces quelques brèves données sur l’eau dans le Berry à l’époque gallo-romaine permettent de montrer qu’à cette époque déjà les hommes maîtrisaient l’eau, de son captage jusqu’à sa consommation. Des recherches scientifiques ont permis cependant de démontrer aussi que de grandes quantités d’eau étaient gaspillées, car cette ressource coulait en continu dans les aqueducs et, même si des robinets existaient déjà, l’eau se déversait sans que l’on puisse contrôler le débit de son captage.
Marianne Surgent