De nos jours, le chenal de Cotonou, en plus des crues, recueille une importante quantité d’eaux pluviales en provenance des deux parties est et ouest de la ville, qui s’y déversent par le biais de nombreux ouvrages d’évacuation d’eaux usées, pudiquement baptisés collecteurs.
Arrêtons-nous à celui de Djidjè, un quartier résidentiel moyennement peuplé. Sur un peu plus d’un kilomètre, il est bordé de part et d’autre d’arbres feuillus qui par temps chaud apportent un ombrage agréable sur ce qui pourrait être une belle avenue, sur son marché spontané et sur cet espace de rencontres et de détente. Bref, le collecteur de Djidjé s’enrichit quotidiennement d’une animation très conviviale.
Mais voilà. Ce collecteur, en réalité, reçoit non seulement les eaux de pluie, mais aussi et surtout les eaux usées domestiques, les déchets liquides et solides produits par les riverains qui, de jour comme de nuit, "l’alimentent" sans cesse en déchets ménagers. De quoi transformer le collecteur en cloaque, au vrai sens du mot, réceptacle de toutes les immondices déversées par l’homme.
En saison chaude, de février à avril, les eaux usées stagnent dans ce canal qui exhale des relents nauséabonds dont tout le monde se plaint. Mais personne n’est prêt à changer ses habitudes. Ainsi rempli de déchets en tous genres, le collecteur atteint des sommets de pollution bactériologique et chimique. Pourtant, face à ce cocktail dangereux à la fois pour la santé de la population et pour l’environnement, les riverains comme les autorités politiques semblent demeurer imperturbables, comme si de rien n’était.
Pendant les périodes de pluies diluviennes et torrentielles, en juin et juillet, puis en septembre et octobre, les eaux pluviales drainées par les collecteurs de la ville charrient toute cette mixture toxique dans le chenal. S’y ajoutent, là-bas, les déchets de toutes natures et origines produits sur ses berges squattées par des populations de plus en plus nombreuses qui échappent à tout contrôle de l’administration locale.
Et si l’on prend en compte les apports en déchets de l’ensemble de ces collecteurs d’évacuation d’eaux pluviales, ce sont chaque année des milliers de tonnes d’eaux usées non traitées qui sont délibérément déversées dans l’écosystème aquatique. Bien malin qui pourrait en dire la quantité et la composition.
Le chenal de Cotonou, pourtant, ne manque pas d’atouts : économiques, écologiques, culturels, sportifs, ou tout simplement éthiques. On y pratique la pêche, au poisson et à l’écrevisse. C’est une importante voie de communication pour les populations des deux berges ainsi que les villages lacustres du lac Ahémé. Un trafic intense de marchandises s’y déroule quotidiennement aussi.
Signataire de la convention de Ramsar sur les zones humides, le Bénin a officiellement opté pour le développement durable de ses ressources naturelles. Ce qui devrait donc pousser ses autorités locales à mettre en place une politique de gestion adéquate de ses eaux usées, des déchets municipaux et ménagers. Mais l’actuel cadre légal et juridique qui permettrait de le faire est dépassé et ne correspond plus à rien, et les moyens financiers et humains d’un assainissement efficace font défaut.
Restent les indispensables remèdes de cheval, ceux qui s’appuient à la fois sur l’éducation et sur la répression. La géographie, la géologie et le statut de la ville l’exigent : Cotonou est en effet bâtie sur un territoire exigu, fait surtout de marécages inondables, et arrosée 180 jours par année par des pluies relativement abondantes. Cotonou est la plus grande ville du pays, et sa vitrine aussi, avec plus d’un million d’habitants. Elle mérite bien une station d’épuration des eaux usées.
Texte et photos :
Bernard Capo-Chichi,
Porto Novo, Bénin.