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11 octobre 2012.

Le chenal de Cotonou : comme un égout à ciel ouvert

Cotonou, la capitale économique du Bénin, est coupée en deux par (...)

Cotonou, la capitale économique du Bénin, est coupée en deux par la lagune qui porte son nom et qui relie le lac Nokoué au nord à l’Océan Atlantique au sud. Ce chenal, long de 4,5 kilomètres, aménagé par la France coloniale à la fin du 19e siècle, avait à l’origine pour but de servir d’exutoire aux crues annuelles du lac. Aujourd’hui, il a plutôt des allures de cloaque, victime de multiples pollutions qui ne cessent de dégrader la qualité de ses eaux. Un exemple de plus à verser dans l’épais dossier des problèmes non résolus de la sauvegarde des ressources naturelles du Bénin.

De nos jours, le chenal de Cotonou, en plus des crues, recueille une importante quantité d’eaux pluviales en provenance des deux parties est et ouest de la ville, qui s’y déversent par le biais de nombreux ouvrages d’évacuation d’eaux usées, pudiquement baptisés collecteurs.


Arrêtons-nous à celui de Djidjè, un quartier résidentiel moyennement peuplé. Sur un peu plus d’un kilomètre, il est bordé de part et d’autre d’arbres feuillus qui par temps chaud apportent un ombrage agréable sur ce qui pourrait être une belle avenue, sur son marché spontané et sur cet espace de rencontres et de détente. Bref, le collecteur de Djidjé s’enrichit quotidiennement d’une animation très conviviale.

Mais voilà. Ce collecteur, en réalité, reçoit non seulement les eaux de pluie, mais aussi et surtout les eaux usées domestiques, les déchets liquides et solides produits par les riverains qui, de jour comme de nuit, "l’alimentent" sans cesse en déchets ménagers. De quoi transformer le collecteur en cloaque, au vrai sens du mot, réceptacle de toutes les immondices déversées par l’homme.

En saison chaude, de février à avril, les eaux usées stagnent dans ce canal qui exhale des relents nauséabonds dont tout le monde se plaint. Mais personne n’est prêt à changer ses habitudes. Ainsi rempli de déchets en tous genres, le collecteur atteint des sommets de pollution bactériologique et chimique. Pourtant, face à ce cocktail dangereux à la fois pour la santé de la population et pour l’environnement, les riverains comme les autorités politiques semblent demeurer imperturbables, comme si de rien n’était.

Pendant les périodes de pluies diluviennes et torrentielles, en juin et juillet, puis en septembre et octobre, les eaux pluviales drainées par les collecteurs de la ville charrient toute cette mixture toxique dans le chenal. S’y ajoutent, là-bas, les déchets de toutes natures et origines produits sur ses berges squattées par des populations de plus en plus nombreuses qui échappent à tout contrôle de l’administration locale.

Et si l’on prend en compte les apports en déchets de l’ensemble de ces collecteurs d’évacuation d’eaux pluviales, ce sont chaque année des milliers de tonnes d’eaux usées non traitées qui sont délibérément déversées dans l’écosystème aquatique. Bien malin qui pourrait en dire la quantité et la composition.

Le chenal de Cotonou, pourtant, ne manque pas d’atouts : économiques, écologiques, culturels, sportifs, ou tout simplement éthiques. On y pratique la pêche, au poisson et à l’écrevisse. C’est une importante voie de communication pour les populations des deux berges ainsi que les villages lacustres du lac Ahémé. Un trafic intense de marchandises s’y déroule quotidiennement aussi.

Signataire de la convention de Ramsar sur les zones humides, le Bénin a officiellement opté pour le développement durable de ses ressources naturelles. Ce qui devrait donc pousser ses autorités locales à mettre en place une politique de gestion adéquate de ses eaux usées, des déchets municipaux et ménagers. Mais l’actuel cadre légal et juridique qui permettrait de le faire est dépassé et ne correspond plus à rien, et les moyens financiers et humains d’un assainissement efficace font défaut.

Restent les indispensables remèdes de cheval, ceux qui s’appuient à la fois sur l’éducation et sur la répression. La géographie, la géologie et le statut de la ville l’exigent : Cotonou est en effet bâtie sur un territoire exigu, fait surtout de marécages inondables, et arrosée 180 jours par année par des pluies relativement abondantes. Cotonou est la plus grande ville du pays, et sa vitrine aussi, avec plus d’un million d’habitants. Elle mérite bien une station d’épuration des eaux usées.

Texte et photos :
Bernard Capo-Chichi,
Porto Novo, Bénin.



Infos complémentaires

Dans le quartier de Djidjè à Cotonou, le collecteur d’eaux pluviales et son avenue

Déchets ménagers dans le collecteur d’évacuation de Djidjè

Les squatters des berges du chenal vivent sur des tas d’immondices

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Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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