Le CICR ne manque pas d’exemples récents pour étayer son appel. En Irak, à Gaza, au Sri Lanka et en Somalie, les réseaux d’approvisionnement en eau et d’assainissement ont été fortement endommagés. Il faut savoir en effet que les réseaux d’adduction et les égouts, mais aussi les systèmes électriques et les infrastructures médicales et sanitaires sont très souvent les premières installations bombardées et détruites, voire même volontairement ciblées, lorsqu’éclate un conflit. Il s’en suit de graves pénuries dans la couverture des besoins essentiels et des risques évidents de propagation de maladies parfois mortelles. Dans de nombreuses guerres, les maladies tuent davantage de civils que les armes.
Selon certaines estimations, un quart du milliard de personnes qui sont privées d’eau potable dans le monde et 15 % des deux milliards et demi de celles qui n’ont pas accès à des services d’assainissement adéquats se trouvent dans des pays déchirés par la guerre. À cela s’ajoute le fait, souvent dramatique, que les dizaines de milliers de civils déplacés à l’intérieur de leur propre pays ou cherchant refuge au-delà de ses frontières se retrouvent en masse dans des zones où les installations de distribution d’eau potable et d’évacuation des eaux usées n’ont été conçues que pour desservir un petit nombre de gens.
Mais il est aussi une autre réalité à laquelle on ne pense pas forcément : les ingénieurs et les techniciens n’ont souvent plus aucun accès aux équipements pour effectuer les travaux de maintenance. Ces professionnels de l’eau, explique Robert Mardini, chef de l’Unité "eau et habitat" au CICR, « doivent pouvoir entrer dans les stations de pompage et de traitement des eaux usées, par exemple, pour réparer les dommages causés lors du conflit, effectuer des réparations techniques et des travaux d’entretien ordinaires, et faire fonctionner les appareils. Il suffit parfois d’appuyer sur un bouton pour remettre en marche une pompe à eau. Mais si le technicien ne peut pas se rendre à la station de pompage sans se faire tirer dessus, il ne peut pas presser ce bouton. Alors la pompe ne redémarre pas, et il n’y a plus d’eau dans les conduites. Les gens boivent alors de l’eau non potable. S’ils boivent de l’eau non potable, ils risquent d’attraper le choléra. Et s’ils attrapent le choléra, ils risquent de mourir… »
C’est l’une des tâches mal connues des délégués du CICR que d’intervenir auprès des belligérants pour garantir la sécurité des professionnels des services de l’eau et de l’électricité et pour les accompagner dans leurs déplacements, ce qui a dû être fait récemment par exemple dans la Bande de Gaza. Mais il faut parfois plusieurs heures, voire plusieurs jours, pour remettre en état des installations absolument indispensables à la survie des populations civiles comme aux acteurs humanitaires. Les trêves, hélas, sont parfois de trop courte durée.
D’où l’appel – il faudrait dire le rappel - fait aux États représentés au Forum d’Istanbul pour qu’ils prennent l’engagement ferme de protéger les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement en temps de guerre. (Source : informations CICR)