Les modèles d’évolution du climat prédisent entre autres, pour les décennies à venir, une hausse sensible des températures et une baisse des précipitations estivales. Cela aura pour conséquence de devoir irriguer davantage les cultures pour maintenir leur productivité et en même temps réduire les réserves d’eau disponible. D’où l’importance et la nécessité d’adopter des stratégies qui concilient à la fois la stabilité des rendements agricoles et une gestion optimale des ressources en eau.
Entrepris dans le cadre du Programme national de recherche "Gestion durable de l’eau" (PNR 61), le projet AGWAM – "Demande d’eau dans l’agriculture suisse et options adaptatives durables pour la gestion du territoire et de l’eau, dans le but d’atténuer les effets du changement climatique" – avait précisément pour ambition d’élaborer une série de recommandations allant dans ce sens et d’identifier les moyens de les appliquer.
Une équipe de scientifiques, emmenée par Jürg Fuhrer, chargé de recherches au sein des instituts Agroscope dépendant de l’Office fédéral de l’agriculture, s’est attelée à une approche interdisciplinaire de cette problématique en prenant en compte différents paramètres et scénarios climatiques, économiques et politiques. Elle a concentré ses études sur deux situations différentes, à savoir une région sèche (la vallée de la Broye, en Suisse romande) et une autre plus humide (le bassin versant du Greifensee, dans le canton de Zürich).
Réduire les besoins en eau, maintenir la productivité
Les résultats de cette recherche ont d’abord été présentés et discutés en mai 2013 lors d’un atelier réunissant des experts de la Confédération et des cantons ainsi que des agriculteurs. De leur synthèse, qui vient d’être publiée dans un rapport final disponible sur le site des instituts Agroscope, on trouvera ici, très résumées, quelques-unes des principales conclusions :
– La croissance des besoins en eau sera l’un des problèmes-clés auxquels devra faire face l’agriculture de demain. La réponse passe par des stratégies régionales équilibrées et des compromis en matière d’utilisation et d’exploitation du sol, de façon à maintenir la productivité, à éviter les pénuries d’eau et à prévenir les éventuels conflits d’intérêts.– Les résultats obtenus dans les deux régions étudiées sont difficilement applicables à d’autres régions. Il importe donc dans chaque planification agricole de prendre en compte la disponibilité des ressources en eau et ses variations. Pour des raisons économiques, l’irrigation de cultures spéciales, comme celle de la pomme de terre, reste prioritaire même si les ressources sont limitées.
– C’est surtout à l’échelle sous-régionale que l’on pourra prendre en compte de façon probante les particularités environnementales et topographiques. Cela signifie, dans la vallée de la Broye par exemple, que l’on n’irrigue les cultures intensives que dans les endroits favorables du bassin versant et que l’on réserve les zones de collines à la production d’herbages notamment.
– Dans la mise en œuvre des nouvelles stratégies, il semble souhaitable de privilégier une transition progressive vers une production moins gourmande en eau : il s’agit de prendre tout d’abord des mesures "douces" concernant le choix des variétés et des cultures ; puis des mesures en matière d’investissements d’infrastructures, de normes de production et d’innovations techniques ; et finalement les modifications nécessaires sur le plan de l’aménagement du territoire.
– Le contingentement des eaux ou l’augmentation des prix de l’eau réduiront considérablement l’utilisation de cette ressource et les impacts négatifs qu’elle subit. Cela ne devrait sans doute pas occasionner de grandes pertes de revenu pour les agriculteurs, mais il pourrait s’en suivre cependant une importante baisse de la quantité et de l’éco-efficacité de la production de denrées alimentaires.
– Les prix et les politiques agricoles ont davantage d’influence sur la rentabilité des exploitations que les changements climatiques. C’est donc par le biais du système des paiements directs, des contingentements ou du prix de l’eau que l’on pourra orienter les adaptations indispensables.
Brièvement dit, améliorer l’efficacité de la production est une tâche essentielle, mais cela doit s’accompagner de mesures (introduction de contingents d’eau, nouvelles technologies d’irrigation, construction de réservoirs, organisation du paysage agricole, choix des cultures, méthodes de labour, etc.) qui atténuent les impacts sur l’environnement et plus particulièrement sur la biodiversité aquatique. Comme pour les autres études menées dans le cadre de ce Programme national de recherche sur la gestion de l’eau, la balle est maintenant dans le camp des décideurs politiques et du monde agricole. (bw)
Liens utiles
– Le rapport AGWAM est disponible (pdf, en anglais seulement) sur le site agroscope.ch
– Présentation du projet AGWAM sur le dite du PNR61 Lire >
– Videoclip du projet