C’est la première fois que des chercheurs suisses se donnent pour objectif de quantifier l’effet du recul des glaciers dû au réchauffement climatique sur la production d’énergie hydroélectrique. Cette étude, menée par Bettina Schaefli, professeure boursière du Fonds national suisse à l’Université de Lausanne et publiée dans le journal Renewable Energy [1] , repose sur un modèle détaillé des flux d’eau qui alimentent l’ensemble des centrales hydroélectriques du pays.
Depuis pas mal de temps déjà - faut-il le rappeler ? - la fonte des glaciers, qui perdent davantage d’eau qu’ils n’en reçoivent sous forme de précipitations, fournit davantage d’eau aux barrages. Depuis 1980, ce surplus représente en moyenne 1,4 milliard de kWh par an, soit 4% de la production hydroélectrique suisse. Mais, pour autant que l’on parvienne à ralentir le réchauffement climatique, cet apport supplémentaire devrait diminuer dans la seconde partie du 21e siècle. Les chercheurs prévoient alors une baisse d’environ un milliard de kWh correspondant à 2,5% de l’électricité d’origine hydraulique totale prévue par la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération.
Pour Bettina Schaefli, ces recherches apportent enfin des chiffres concrets et des réponses aux interrogations des exploitants de centrales hydroélectriques : "Notre modèle peut les aider à mieux anticiper l’avenir, notamment grâce à des prévisions régionales. Elles montrent par exemple que les centrales en Valais tirent 9% de leur électricité de la fonte des glaciers. Celle-ci devrait diminuer de moitié, mais plus tard que pour les autres régions du pays, en raison de l’altitude élevée des barrages et de la taille des glaciers concernés. Au final, notre modèle présente la première image exhaustive des facteurs influençant la quantité d’eau disponible pour la production hydroélectrique de Suisse."
93% du territoire national alimentent les barrages
Les chercheurs ont établi une carte détaillée de tous les bassins versants de Suisse. Elle montre que l’eau qui s’écoule sur 93% du territoire national finit par passer dans au moins une centrale électrique. L’eau de certaines rivières ayant leur source dans l’Oberland Bernois traverse une trentaine d’installations avant de quitter la Suisse par le Rhin à Bâle. Ce qui démontre, note au passage Bettina Schaefli, "l’exploitation extrêmement efficace de cette source d’énergie renouvelable".
L’équipe de recherche a par ailleurs élaboré un modèle de calcul relativement simple basé sur la productivité moyenne (la quantité d’électricité produite par mètre cube d’eau) : celle-ci s’est révélée proportionnelle à l’altitude moyenne des six grandes régions de Suisse qui alimentent les centrales hydroélectriques. À partir de là, il est possible de déduire la productivité des centrales approvisionnées par les glaciers mais aussi la part due à leur recul tel qu’il est mesuré par les glaciologues.
(Source :Fonds national suisse de la recherche scientifique / Université de Lausanne)