Cette décision a valeur de signal politique pour que soit garanti l’accès de cette ressource à toute la population et la préservation de son caractère public. “L’eau, dit Evo Morales, ne peut pas être une affaire privée, en faire une marchandise est une violation des droits humains. La ressource eau doit être un service public”.
La logique de privatisation qui était celle de la Bolivie au cours des deux dernières décennies avait favorisé une gestion non intégrée des ressources aquifères, ce qui facilitait les concessions privées. Le défi du nouveau gouvernement en la matière sera d’unifier en une seule structure (le Ministère de l’Eau) les différents réseaux qui administraient jusqu’ici séparément la distribution publique de l’eau, de manière à avoir un contrôle effectif de ses utilisations, y compris les utilisations industrielles.
Il lui faudra également élaborer une politique nationale des ressources hydriques et des normes juridiques qui protègent les droits des communautés rurales et indigènes en matière d’accès aux services d’eau potable et d’assainissement comme en matière d’usages agricoles et forestiers et d’irrigation.
Cochabamba gagne son autre bataille
L’arrivée au pouvoir de Evo Moralès a quelque peu éclipsé une autre information de toute première importance pour les militants de l’eau publique, à savoir le renoncement de la grande multinationale américaine Bechtel à ses tentatives judiciaires d’obtenir 50 millions de dollars de dédommagements suite à la dénonciation de son contrat par la Bolivie. L’entreprise se contentera d’un versement symbolique de deux bolivianos (trente cents, soit 40 centimes suisses) !
Pour mémoire : en janvier 2000, les habitants de Cochabamba, troisième ville du pays, apprenaient que leur système public d’eau, avait été investi - sous pression de la Banque mondiale - par une compagnie privée répondant au nom de « Aguas del Tunari » mais contrôlée de fait par le géant californien de l’équipement. L’opération se traduisit très vite par une grosse augmentation des factures d’eau que bon nombre de familles ne pouvaient supporter. S’en suivit une véritable guerre de l’eau, opposant la population aux forces de l’ordre. Le gouvernement bolivien perdit la bataille et finit par céder aux revendications populaires. En avril, contrat cassé, Bechtel dut partir.
Plus tard, la société américaine et son co-investisseur espagnol Abengoa entamèrent une procédure en dédommagements auprès du Centre International de Règlement des Différents sur les Investissements, sorte de tribunal commercial de la Banque Mondiale. La plainte de Bechtel portait à la fois sur ses pertes et sur ses manques à gagner. La procédure devait être tenue secrète. Mais c’était sans compter sur une véritable tempête internationale de protestations publiques en tous genres.
De guerre lasse, et voyant que l’image de marque de leur société ne cessait de se dégrader, les dirigeants de Bechtel ont alors décidé de cesser leurs poursuites. Un événement que les Boliviens en général, et Cochabamba en particulier, jugent comme une victoire historique contre les tentatives de privatisation du domaine de l’eau et contre les injustices du système commercial international. (bw)
(Sources :Agence reuters, bollpress.com/Bolivie, The Democracy Center/USA)