La gestion des ressources en eau est trop souvent sectorielle et fragmentaire, déplore Jean-Bernard Lachavanne, président de l’ASL et directeur du LEBA. Il n’est guère habituel, en effet, de voir s’asseoir autour d’une même table tous les acteurs de l’eau d’un bassin versant, les autorités des communes d’amont et d’aval appartenant parfois à des entités politiques ou administratives différentes, les distributeurs d’eau potable et les responsables de l’assainissement, les représentants des différents usages de l’eau pour l’agriculture, l’industrie, la production d’énergie, les loisirs, etc. Encore faut-il, pour que le dialogue puisse avoir lieu, que l’on puisse se référer à des inventaires et à des analyses solides.
C’est ce à quoi se sont attelés depuis 2002 l’Association pour la Sauvegarde du Léman et le laboratoire d’Ecologie et de Biologie Aquatique de l’Université de Genève. Avec, pour ambition de répondre à la question de savoir si la gestion des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques de la région lémanique se faisait dans une optique de développement durable, dans le respect des divers intérêts environnementaux, sociaux et économiques.
Il fallait pour cela élaborer, d’une part, un système d’analyse basé sur le concept de « capital de développement » et sur la définition d’indicateurs fiables et appropriés - voir la fiche : 21 indicateurs environnementaux, sociaux et économiques pour la gestion des bassins versants - mais aussi, d’autre part, vérifier leur pertinence sur le terrain. Les chercheurs de l’étude LEMANO ont porté leur choix sur quatre bassins de rivière représentatifs des diverses conditions géographiques et humaines du bassin lémanique, à savoir : l’Aubonne (Vaud), la Versoix (Ain, Vaud, Genève), les Dranses valaisannes et le Foron de Sciez (Haute-Savoie).
Une précieuse aide
à la décision des communes
Le résultat de ce long et patient travail tient en deux mots : méthode et outil. La méthode LEMANO se veut « originale, innovante et astucieuse » ; elle permet d’évaluer la gestion de l’eau et des réservoirs à l’échelle des bassins versants de rivière. L’outil est jugé « performant et techniquement au point » ; il se décline en différents modules : collecte de données fiables, diagnostic établi sur la base d’indicateurs précis, recommandations de mesures prioritaires à prendre et tableau de bord opérationnel. Autrement dit, un instrument qui devrait rendre de gros services aux instances communales, voire intercommunales, quand elles devront prendre des décisions pour la gestion de leurs ressources en eaux.
Les évaluations apportent un certain nombre de bonnes nouvelles : leurs résultats globaux sont relativement satisfaisants. Mais les défis ne manquent pas, constatent les chercheurs : les objectifs de qualité qui garantissent les équilibres écologiques dans le lac ne sont pas atteints, de nombreuses rivières sont encore en mauvais état, certaines communes sont déjà confrontées à des problèmes de pénurie d’eau en période de sécheresse, ici ou là les collaborations entre communes d’un même bassin sont insuffisantes, et d’autres questions risquent de se poser dans les prochaines décennies compte tenu notamment des impacts des changements climatiques annoncés.
Les auteurs de l’étude LEMANO savent bien qu’il n’est pas possible de régler tous les problèmes en même temps. Aussi, comme ils l’ont fait pour le bassin de l’Aubonne, ils proposent aux communes « d’établir un programme de priorités et de faire des choix, le cas échéant de s’associer et d’inscrire les actions reconnues ‘développement durable’ dans le cadre d’un processus d’amélioration continue ».
Un outil disponible et largement utilisable
Cette étude, interdisciplinaire et de longue haleine, a un coût. L’immense travail d’identification des problématiques, de définition des indicateurs et de leur application aux quatre bassins témoins, a nécessité un budget d’environ 1,2 millions de francs suisses et a pu être mené à terme grâce à l’appui financier de divers partenaires publics et privés et par des fonds propres de l’Association pour la Sauvegarde du Léman.
Mais, à l’avenir, c’est aux communes, voire aux cantons, qu’il appartiendra de dégager les crédits nécessaires à des études similaires dans d’autres bassins versants tels ceux de la Viège (Haut-Valais), des Dranses de Haute-Savoie, de l’Allondon (Ain et Genève) ou de la Venoge (Vaud).
L’outil existe, souple et ajustable aux configurations locales, facile d’utilisation, utilisable à des coûts acceptables pour les pouvoirs publics et bien au-delà de la région lémanique. Il serait donc fort regrettable pour ne pas dire dommageable de le laisser dormir dans des tiroirs alors même que la nécessité d’une meilleure prise en compte des impératifs d’une gestion durable des eaux ne cesse de s’affirmer d’année en année. (bw)
P.S. Août 2009 : La méthode LEMANO est désormais intégralement et gratuitement disponible en document PDF sur le site de l’ASL www.asleman.org