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18 juin 2009.

LEMANO : une méthode et un outil pour mieux gérer les bassins versants

Depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992, l’idée de gestion (...)

Depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992, l’idée de gestion des ressources en eau par bassins versants fait lentement mais sûrement son bonhomme de chemin. Grâce aux efforts menés conjointement par l’Association pour la Sauvegarde du Léman (ASL) et par le Laboratoire d’Ecologie et de Biologie Aquatique de l’Université de Genève (LEBA), les décideurs politiques et les responsables des services des eaux des communes du bassin lémanique et d’ailleurs disposent désormais d’une méthode et d’un outil labellisés « LEMANO ». Une première évaluation complète vient d’être finalisée et porte sur le bassin de l’Aubonne, sur la Côte vaudoise.

La gestion des ressources en eau est trop souvent sectorielle et fragmentaire, déplore Jean-Bernard Lachavanne, président de l’ASL et directeur du LEBA. Il n’est guère habituel, en effet, de voir s’asseoir autour d’une même table tous les acteurs de l’eau d’un bassin versant, les autorités des communes d’amont et d’aval appartenant parfois à des entités politiques ou administratives différentes, les distributeurs d’eau potable et les responsables de l’assainissement, les représentants des différents usages de l’eau pour l’agriculture, l’industrie, la production d’énergie, les loisirs, etc. Encore faut-il, pour que le dialogue puisse avoir lieu, que l’on puisse se référer à des inventaires et à des analyses solides.

C’est ce à quoi se sont attelés depuis 2002 l’Association pour la Sauvegarde du Léman et le laboratoire d’Ecologie et de Biologie Aquatique de l’Université de Genève. Avec, pour ambition de répondre à la question de savoir si la gestion des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques de la région lémanique se faisait dans une optique de développement durable, dans le respect des divers intérêts environnementaux, sociaux et économiques.

Il fallait pour cela élaborer, d’une part, un système d’analyse basé sur le concept de « capital de développement » et sur la définition d’indicateurs fiables et appropriés - voir la fiche : 21 indicateurs environnementaux, sociaux et économiques pour la gestion des bassins versants - mais aussi, d’autre part, vérifier leur pertinence sur le terrain. Les chercheurs de l’étude LEMANO ont porté leur choix sur quatre bassins de rivière représentatifs des diverses conditions géographiques et humaines du bassin lémanique, à savoir : l’Aubonne (Vaud), la Versoix (Ain, Vaud, Genève), les Dranses valaisannes et le Foron de Sciez (Haute-Savoie).

Une précieuse aide
à la décision des communes

Le résultat de ce long et patient travail tient en deux mots : méthode et outil. La méthode LEMANO se veut « originale, innovante et astucieuse » ; elle permet d’évaluer la gestion de l’eau et des réservoirs à l’échelle des bassins versants de rivière. L’outil est jugé « performant et techniquement au point » ; il se décline en différents modules : collecte de données fiables, diagnostic établi sur la base d’indicateurs précis, recommandations de mesures prioritaires à prendre et tableau de bord opérationnel. Autrement dit, un instrument qui devrait rendre de gros services aux instances communales, voire intercommunales, quand elles devront prendre des décisions pour la gestion de leurs ressources en eaux.

Les évaluations apportent un certain nombre de bonnes nouvelles : leurs résultats globaux sont relativement satisfaisants. Mais les défis ne manquent pas, constatent les chercheurs : les objectifs de qualité qui garantissent les équilibres écologiques dans le lac ne sont pas atteints, de nombreuses rivières sont encore en mauvais état, certaines communes sont déjà confrontées à des problèmes de pénurie d’eau en période de sécheresse, ici ou là les collaborations entre communes d’un même bassin sont insuffisantes, et d’autres questions risquent de se poser dans les prochaines décennies compte tenu notamment des impacts des changements climatiques annoncés.

Les auteurs de l’étude LEMANO savent bien qu’il n’est pas possible de régler tous les problèmes en même temps. Aussi, comme ils l’ont fait pour le bassin de l’Aubonne, ils proposent aux communes « d’établir un programme de priorités et de faire des choix, le cas échéant de s’associer et d’inscrire les actions reconnues ‘développement durable’ dans le cadre d’un processus d’amélioration continue ».

Un outil disponible et largement utilisable

Cette étude, interdisciplinaire et de longue haleine, a un coût. L’immense travail d’identification des problématiques, de définition des indicateurs et de leur application aux quatre bassins témoins, a nécessité un budget d’environ 1,2 millions de francs suisses et a pu être mené à terme grâce à l’appui financier de divers partenaires publics et privés et par des fonds propres de l’Association pour la Sauvegarde du Léman.

Mais, à l’avenir, c’est aux communes, voire aux cantons, qu’il appartiendra de dégager les crédits nécessaires à des études similaires dans d’autres bassins versants tels ceux de la Viège (Haut-Valais), des Dranses de Haute-Savoie, de l’Allondon (Ain et Genève) ou de la Venoge (Vaud).

L’outil existe, souple et ajustable aux configurations locales, facile d’utilisation, utilisable à des coûts acceptables pour les pouvoirs publics et bien au-delà de la région lémanique. Il serait donc fort regrettable pour ne pas dire dommageable de le laisser dormir dans des tiroirs alors même que la nécessité d’une meilleure prise en compte des impératifs d’une gestion durable des eaux ne cesse de s’affirmer d’année en année. (bw)

P.S. Août 2009 : La méthode LEMANO est désormais intégralement et gratuitement disponible en document PDF sur le site de l’ASL www.asleman.org




Infos complémentaires

:: L’exemple du bassin versant de l’Aubonne

 Le bassin de l’Aubonne, sur la côte nord-ouest du Léman, représente une superficie de 96 km2 pour un réseau hydrographique d’une longueur totale de 79 km (l’Aubonne elle-même coule sur 14 km).

 Treize communes, pour une population de quelque 9’500 habitants, se partagent le territoire de ce bassin à dominante agricole. Les principaux secteurs économiques en termes d’emplois sont ceux de la santé et de l’industrie pharmaceutique.

 L’eau potable distribuée par les communes est jugée de qualité excellente à satisfaisante et provient essentiellement de nappes phréatiques. Sa consommation, qui dépend surtout des besoins des activités économiques, est de 337 litres par jour et par habitant, un chiffre inférieur à la moyenne suisse (400 litres).

 En période d’étiage, la demande en eau atteint ou dépasse les volumes fournis naturellement par les sources et captages. D’où la nécessité, pour certaines communes, d’imposer des restrictions d’usage.

 Le programme d’actions prioritaires proposé par l’étude LEMANO aux communes du bassin de l’Aubonne porte notamment sur l’amélioration de l’assainissement des eaux usées, l’achèvement des études légalement requises (ce qui permettrait de disposer des informations nécessaires pour un meilleur contrôle des pollutions), le lancement d’un programme de lutte contre la pollution diffuse (en collaboration avec les agriculteurs), l’amélioration de la collaboration des acteurs de l’eau à l’échelle du bassin versant (groupement de communes, par exemple), la promotion d’un programme d’information et de sensibilisation des différents usagers. (ASL/LEBA)

N.B. En plus d’une synthèse (8 pages) sur le bassin de l’Aubonne, les auteurs de l’étude LEMANO ont édité un bilan séparé de la gestion de l’eau de chacune des communes du bassin, résumé en 4 pages.

Les sources de l’Aubonne en hiver (photo ASL/Cl.Ganty)


:: Informations utiles

 Site de l’Association pour la sauvegarde du Léman (ASL)

 L’étude LEMANO, un outil au service des collectivités, article aqueduc.info (2005)

 Les communes parlent aux communes, article aqueduc.info (2007)

 Bassins versants :
21 indicateurs de développement durable
, fiche aqueduc.info (2009)

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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