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30 octobre 2004.

L’histoire d’un aqueduc devenu chemin muletier...

Il était une fois, dans le Val d’Aoste, sur la rive droite de la (...)

Il était une fois, dans le Val d’Aoste, sur la rive droite de la Doire baltée (Dora Baltea), à la hauteur d’Aymavilles et au début de la vallée qui monte vers Cogne, un « pont romain » dont on a très longtemps ignoré qu’il s’agissait en fait d’un ancien aqueduc privé reconverti en passage pour gens et bêtes de somme. Petit détour par le hameau de Pont d’Aël (ou Pondel) pour découvrir ce qui constitue l’un des plus importants ouvrages de génie civil de l’époque romaine dans l’arc alpin.

D’une hauteur de 52 mètres au-dessus de la rivière Grand-Eyvia, 20 de long et 2,30 de large, voilà un ouvrage inattendu dont on connaît néanmoins l’âge avec précision : an 3 avant Jésus-Christ. L’épigraphe latine qui orne sa façade aval indique en effet clairement qu’il a été construit « sous le 13e consulat de l’empereur César Auguste, Caius Avillius Caimus, fils de Caius, de Padoue. » Avec, en gros caractères, la mention « PRIVATUM », (ouvrage) privé.

C’est un diplomate savoyard, Philibert de Pingon, qui fut le premier, vers le milieu du 16e siècle, à relever sur son carnet de voyage une esquisse de l’ouvrage et noter son inscription romaine. Il avait deviné que cette structure était en fait un aqueduc, en dépit de la chaussée qui la surmontait. Il avait même indiqué le sens d’écoulement de l’eau (d’ouest en est).

Son hypothèse fut longtemps ignorée et parfois combattue par des historiens soutenant que cette construction n’avait été réalisée que pour servir de pont ou de sentier cavalier. En 1948, certains la qualifiaient encore de « pont muletier ». La solution de cette querelle est sans doute à chercher dans le fait que l’ouvrage a eu historiquement des usages différents.

À l’origine, cette structure présentait deux passages : une galerie interne, dont l’une des extrémités prolongeait une route taillée dans la roche, et un canal supérieur, à ciel ouvert, avec un fond couvert de dalles et des parois imperméables, récupérant l’eau d’une source sise sur le versant gauche du torrent. Les vestiges d’un réseau d’adduction sont d’ailleurs encore visibles : conduites enterrées, bassins de stockage et de décantation.

Cet aqueduc était-il lié aux activités d’extraction et de traitement du fer dans la vallée de Cogne ? Ou servait-il uniquement à approvisionner en eau une propriété privée située à l’emplacement du village actuel (rebaptisé entre temps « Pondel », de ponticulus, petit pont) ? La réponse semble encore ouverte. De même qu’il existe aussi diverses opinions quant aux modes de fonctionnement du système de captage et d’adduction d’eau.

Il faut également noter que l’intérieur de la galerie est fort étroit (à peine plus d’un mètre de large), ce qui exclut qu’elle ait été destinée dès sa construction au passage des bêtes de somme. Ce passage, jadis pourvu de portes, ne devait peut-être servir qu’aux personnes préposées à l’entretien du réseau d’eau sur les deux versants du vallon.

C’est au XVIe siècle que le canal aurait été reconverti en sentier pour les gens et les animaux. Les anciennes dalles de pierres pouvaient très bien servir de chaussée. Le passage taillé dans la roche finit par être obturé par une construction toujours visible. Et le canal ayant changé d’usage, ses parois furent également transformées en garde-fous. (bw)




Infos complémentaires

Côté aval. L’épitaphe se trouve juste au-dessus de l’arche.

(Archives d’Aoste)

L’aqueduc, version d’origine

L’aqueduc, version "sans eau"

La galerie

Jadis canal, aujourd’hui sentier.

Graphismes : Région autonome Vallée d’Aoste
Photos : © aqueduc.info

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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