Il y a dix ans, la SSIGE avait commandé à la société ESU-services basée à Zurich un premier écobilan sur les impacts environnementaux, en Suisse, liés à la production, l’emballage et le transport de l’eau courante et de l’eau minérale conditionnée. En 2014, elle a fait actualiser cette étude dont les conclusions viennent d’être publiées dans la revue Aqua & Gas (*).
Pour établir ses comparaisons entre l’eau du robinet et l’eau minérale, ESU-services a pris comme volume de référence 1 litre de boisson et mis en parallèle différentes variantes de produits. L’ensemble du cycle de vie des eaux potables et des eaux minérales a été analysé, de leur captage jusqu’à leur consommation. Les indications relatives aux types de récipients utilisés pour la boisson et celles concernant l’évacuation des eaux usées n’ont pas été prises en considération car elles sont identiques pour toutes les boissons. Les données finalement comptabilisées sont :
– pour l’eau potable : le captage, le traitement, la distribution via le réseau ou les installations domestiques correspondantes, le traitement dans les ménages (réfrigération, gazéification) ;
– pour l’eau minérale : la mise en bouteille, l’emballage, la distribution dans le commerce, le transport au domicile du consommateur, la réfrigération dans les ménages ;
– pour les autres boissons, s’ajoutent la production des matières premières agricoles (oranges, lait, sucre) et leur traitement ultérieur.
Les inventaires prennent en compte à chacune des étapes importantes des données sur les consommations de matière et d’énergie mais aussi des calculs sur les processus d’arrière-plan, tels que les matériaux de construction et d’équipement et les transports. En matière de distribution d’eau potable, une zone urbaine (la ville de Zurich) et une zone rurale (le Seeland bernois) ont été pris comme espaces de référence.
Impacts sur la consommation d’énergie et les matières premières
L’analyse du cycle de vie de l’eau potable jusqu’au robinet montre principalement qu’une part importante des impacts environnementaux est due à la consommation d’énergie pour le pompage de l’eau, son traitement et sa distribution. Dans les conduites domestiques, l’impact le plus flagrant est à rechercher dans les matériaux (le cuivre par exemple) utilisés dans les raccordements et les installations sanitaires (lavabo et robinets). Le traitement ultérieur de l’eau potable dans les ménages, en soi peu significatif, peut toutefois se révéler relativement important si l’eau est réfrigérée et gazéifiée.
S’agissant de l’eau minérale, 40 % de sa charge écologique est due au transport à domicile depuis le supermarché et 25 % environ au transport du lieu de fabrication jusqu’au point de vente. Du point de vue du conditionnement, les bouteilles en verre consignées et les gros emballages obtiennent de meilleurs résultats sur de courtes distances, mais ont davantage d’impact sur de longs trajets, compte tenu de leur poids. Le choix des moyens de transport (rail ou route) revêt aussi une grande importance.
222 fois, une eau minérale (suisse) 631 fois. Pour d’autres boissons, les coefficients sont de 1769 pour la bière, 1869 pour le café, 2014 pour le jus de pomme, 2593 pour le lait et 9552 pour le vin rouge.
(Graphisme esu-services pour le compte de la SSIGE)
La provenance de l’eau importe plus que son emballage
Sur la base de ce nouvel écobilan qui fait intervenir des paramètres propres à la Suisse (on n’en tirera donc pas de leçons qui seraient inadéquates dans d’autres situations), la SSIGE n’hésite pas à conclure que "l’eau du robinet est l’aliment le plus écologique" et continue de présenter "d’excellentes performances environnementales si on la compare à un grand nombre d’autres produits". Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’eau minérale non réfrigérée et non gazeuse entraîne au moins 450 fois plus de charges écologiques que l’eau potable.
L’association faîtière des distributeurs souligne que la provenance de l’eau est bien plus importante en matière d’impacts environnementaux que son emballage et que l’usage des bouteilles en verre consignées n’est recommandable que dans les cas de courte distance entre l’usine d’embouteillage et le point de vente.
L’étude montre aussi que renoncer à la consommation d’eau du robinet et d’eau minérale ou la réduire n’influe que de façon marginale sur la réduction des charges écologiques, mais tenir compte de ce facteur constitue cependant une première approche vers d’autres comportements écologiques : les recommandations pour un usage économe des ressources et des énergies valent aussi pour d’autres boissons et aliments (reste qu’en matière alimentaire, ce sont les produits carnés et laitiers qui ont la plus forte empreinte écologique).
Tous comptes faits et toutes priorités bien considérées, estime la SSIGE, il existe bien d’autres mesures beaucoup plus efficaces à prendre pour la protection de l’environnement avant que de se préoccuper de réduire sa consommation d’eau potable. (bw)
(*) N.Jungbluth, A.König, R.Keller, ESU-services Ltd., "Écobilan de l’eau potable, analysée et comparée à l’eau minérale et aux autres boissons", Revue AQUA & GAS,
N°1 – 2015, 8 pp. Téléchargeable sur le site de la SSIGE