En août dernier, la Semaine mondiale de l’eau de Stockholm avait déjà adopté une déclaration demandant que Copenhague prenne en compte toute l’importance de l’eau, de manière correcte et appropriée : “Un accord ferme et juste sur de futurs engagements globaux pour des mesures en faveur de la réduction des changements climatiques et de l’adaptation à ces changements est crucial quant à la disponibilité future des ressources en eau”.
Début novembre, à Barcelone, en marge des négociations préparatoires officielles de la Conférence de Copenhague, un vaste partenariat regroupé sous le label ‘Global Public Policy Network on Water Management’ (GPPN), organisait une Journée de l’eau qui se concluait elle aussi par une exhortation lancée aux gouvernements : “remettez l’eau dans le texte des négociations !”
L’eau est le premier vecteur des changements climatiques
Ces appels, apparemment peu entendus jusqu’ici, partent d’une certitude, pour ne pas dire d’une simple évidence, à savoir que c’est sur les ressources en eau, sur leur disponibilité et sur leur qualité, que les changements climatiques font d’abord visiblement ressentir leurs effets.
Avec les conséquences que l’on sait (et que l’on redoute) sur les êtres humains, sur les sociétés comme sur l’environnement. Les scientifiques sont d’ailleurs parmi les premiers à dire que la question de l’eau n’est pas suffisamment prise en compte dans la formulation des politiques climatiques. Autrement dit : l’eau doit être considérée comme le passage obligé de toute évaluation des besoins d’adaptation aux changements climatiques.
Un autre argument pour l’inscription du thème de l’eau dans les négociations de Copenhague est que les impacts des changements climatiques sur l’eau vont freiner considérablement les efforts engagés dans la bataille contre la pauvreté et pour le développement humain en termes d’accès à l’eau et à l’assainissement, de sécurité alimentaire ou d’approvisionnement en énergie. Ces impacts risquent également d’accroître les exodes et les migrations, et donc aussi susciter de possibles conflits entre régions et pays. Aux gouvernements d’être cohérents dans leurs objectifs !
La Déclaration de Nairobi
Prenant acte de ces défis, le Ministère des Affaires Etrangères du Danemark a pris l’initiative, en collaboration avec des partenaires internationaux et nationaux, de convoquer un "Dialogue sur l’Adaptation aux Changements Climatiques pour la Gestion des Terres et de l’Eau". Avec, pour projet, d’énoncer un certain nombre de principes et de recommandations pour les actions à entreprendre dans ce domaine. Cette démarche a débouché, en avril 2009 à Nairobi, sur une Déclaration qui s’articule autour de cinq points-clés pour une gestion efficace et coordonnée des terres et de l’eau :
– L’adaptation pour une gestion efficace des terres et de l’eau face aux changements climatiques est un vrai défi de développement durable. Elle devrait donc être traitée comme une partie intégrante des programmes de développement et prise en considération au même titre que d’autres facteurs indicateurs de changement tels que la lutte contre la pauvreté, la faim, les maladies, la dégradation de l’environnement, etc.
- La capacité de s’organiser pour répondre aux changements climatiques et pour s’y adapter doit être mise en œuvre dès maintenant car leurs impacts se font déjà sentir. L’accent doit être mis sans tarder sur des approches intégrées de gestion des ressources en terres et en eau, sur des activités de développement participatif des bassins versants, sur des investissements ‘sans regrets’ pour une plus grande efficacité de l’utilisation et une meilleure capacité de stockage de l’eau, sur des programmes pour des moyens de subsistance durables, sur une intensification et une diversification de l’utilisation des sols pour l’agriculture, etc.
– Le renforcement des institutions pour la gestion des terres et de l’eau est quelque chose de crucial. Il doit prendre appui sur les principes de participation de la société civile, d’égalité des sexes, de subsidiarité et de décentralisation. Les moyens d’adaptation aux changements climatiques doivent nécessairement être intégrés dans les systèmes politiques, légaux et administratifs. Cela requiert le développement de compétences nouvelles et le transfert de technologies adaptées aux besoins spécifiques des pays.
– Les informations et les connaissances scientifiques et locales pour l’adaptation aux changements climatiques doivent être améliorées et considérées comme un bien public à partager à tous les niveaux. Cela implique la capacité de générer et d’utiliser des données et des informations spécifiques en temps réel, mais aussi un partage mutuel des meilleures pratiques ainsi que la sensibilisation et l’éducation au sein des collectivités.
– La viabilité économique et sociale des investissements pour l’adaptation aux changements climatiques doit être garantie. Les bonnes pratiques relatives à la gestion des terres et de l’eau qui procurent des avantages d’adaptation et/ou d’atténuation devraient avoir accès au financement, à travers une variété de mécanismes transparents. Il importe pour cela d’utiliser toute la gamme possible des options financières, y compris des mécanismes d’investissement et de financement innovants, des systèmes d’assurance, et une augmentation des sources de financement du secteur privé.
Voilà des principes - largement partagés entre autres par de nombreuses organisations actives dans la coopération au développement - dont on comprendrait mal qu’ils ne soient pas endossés également par les négociateurs de Copenhague. Faute de quoi les batailles pour l’accès à l’eau de centaines de millions de personnes qui en sont encore et toujours privées aujourd’hui pourraient ne plus figurer dans les priorités des gouvernements de la planète. (bw)